17 mars 2025

Le capharnaüm #98 : C’est lors des coupures d’électricité si fréquentes qu’Ati s’avisa que la sono continuait de débiter du son

C’est lors des coupures d’électricité si fréquentes qu’Ati s’avisa que la sono continuait de débiter du son, sauf qu’elle ne le tirait pas d’une mémoire magnétique et d’une magnéto providentielle mais de la tête des gens, où les paroles chargées de la magie des prières et des scansions répétées à l’infini s’étaient incrustées dans les chromosomes et avaient modifié leur programme. Le son emmagasiné dans les gènes passait de leur corps au sol et du sol aux murs qui se mettaient à vibrer et à moduler l’air selon les fréquences des prières et des incantations, l’épaisseur des pierres ajoutant au requiem un écho d’outre-tombe. L’air lui-même était transformé en une sorte de brume douceâtre et âcre qui tournait dans les boyaux de la forteresse et agissait sur les pensionnaires et les pénitents mieux qu’un puissant hallucinogène. C’était comme si tout ce monde improbable et obscur vivait à l’intérieur d’une prière aux morts. C’est la force du mouvement infinitésimal, rien ne lui résiste, on ne se rend compte de rien pendant que, vaguelette après vaguelette, angström après angström, il déplace les continents sous nos pieds, et dans les profondeurs dessine des perspectives fantastiques. C’est en observant ces phénomènes dépassant l’entendement qu’Ati eut la révélation que la langue sacrée était de nature électrochimique, avec sans doute une composante nucléaire. Elle ne parlait pas à l’esprit, elle le désintégrait, et de ce qu’il restait (un précipité visqueux) elle faisait de bons croyants amorphes ou d’absurdes homoncules. Le livre d’Abi le disait à sa manière hermétique en son titre premier, chapitre 1, verset 7 : «Quand Yölah parle, il ne dit pas des mots, il crée des univers et ces univers sont des perles de lumière irradiante autour de son cou. Écouter sa parole, c’est voir sa lumière, c’est se transfigurer dans le même instant. Les sceptiques connaîtront la damnation éternelle et en vérité elle a commencé pour eux et leur descendance.»
Boaulem Sansal, 2084 : la fin du monde, Gallimard, 2015



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