Marta Bramon, bibliothécaire à la bibliothèque de Banyoles, et membre de l'équipe des Musictecaris nous présente aujourd'hui : L'amor és Déu en barca [L'amour c’est Dieu dans une barque], un court poème d'Enric Casasses, mis en musique et chanté par Miquel Gil. Album Orgànic (Sonifolk, 2001 ; Galileo, 2004) Enric Casasses récite souvent sa poésie dans des spectacles surréalistes accompagné par le musicien catalan du Nord, Pascal Comelade.
L'amor és Déu en Barca
D'acord, no ens entenem
ni ens sabem estimar,
la por si l'aprofites
es torna cerimònia.
La carta que ara ve
ja la'n puc destapar,
l'amor és ritual,
el ritual és la vida,
la vida anar tirant.
La vida anar tirant,
l'amor és pa amb formatge,
el pa amb formatge és vida,
la vida anar paint.
L'amor és Déu en barca,
la vida és un naufragi
en un got de vi blanc,
l'amor és caure al toll
i trobar-hi l'amor.
L'amour c'est Dieu dans une barque
D’accord, on ne se comprend pas,
et on ne s’aime pas,
la peur si tu t’en sers
Cela devient une cérémonie.
La carte qu’on m’a donné
Je peux la découvrir maintenant,
l'amour est rituel
le rituel est la vie,
la vie défile.
La vie défile,
L’amour est pain et fromage,
Le pain et le fromage c'est la vie,
la vie on la digère.
L'amour c’est Dieu dans une barque,
la vie est un naufrage
dans un verre de vin blanc,
l’amour c'est tomber dans l’étang
et là y trouver l'amour.
Weird Dreams "Velvet morning" - Choreography - Tough love (2012) - chronique Still in rock
Holy Shit “Maus is missing” - Stranded At Two Harbors - Porous Records (2006) - chronique Magicrpm
Earworm (litt. ver d'oreille) : Mélodie, air, ou chanson que l’on retient trop facilement et dont on ne peut pas se débarrasser. Illustration d'après la jaquette du DVD du film Tremors 3 : back to perfection (2001), un film de Brent Maddock - fiche IMDB, trailer Youtube.
"Le cœur de notre métier ce n’est pas d’avoir 20 millions de titres, c’est de vous les recommander" déclarait récemment en interview Will Page (Spotify), (Ecrans, 28/06/2013) Plus que jamais, l'industrie de la musique numérique se positionne dans une économie de l'attention : en suscitant l'envie de découvrir, elle créée du désir, et génère de la consommation. Mais là, si les enjeux financiers sont considérables, les problèmes rencontrés ne sont pas moins importants.
Car il faut faire avec une certaine forme de conservatisme chez l'auditeur qui se caractérise par un manque de curiosité, par une résistance à sortir de sa zone de confort, confirmant la formule de Jean Cocteau selon laquelle "le public aime mieux reconnaître que connaître".
Pour continuer cette série de billets consacrés à la découverte musicale, voici la traduction de l'article The Biggest Problem With Music Discovery Services [Le plus gros problème avec les services de découverte musicale], par Kyle Bylin fondateur et éditeur de Site sidewinder.fm, publié sur le sitehypebot.com.
Kyle Bylin a questionné plusieurs acteurs de la musique numérique concernés par le sujet, en leur demandant quel était le plus gros problème posé aujourd'hui par la découverte musicale :
"Si vous voulez une réponse courte : la majorité des auditeurs ne s’en soucient pas. Ils n’ont aucune envie qu’on leur recommande des artistes en devenir ou des chansons émergentes. Le plus gros problème, et bien c’est qu’il n’y a pas de problème ! Parce que la découverte musicale concerne un public de niche.
Pour avoir une perspective plus large sur la découverte musicale, et les plus grandes problématiques auxquelles se trouvent confrontées ces services, Sidewinder.fm a demandé à plusieurs dirigeants influents dans le domaine de la musique et de la technologie de partager leurs visions du sujet.
Perfectionner les algorithmes de découverte musicale représente un défi énorme Liv Buli est journaliste de données pour la société d'analyses statistiques musicales Next Big Sound :
"Et bien, si quelqu'un avait trouvé la clé pour créer le service de découverte musicale parfait, cette discussion serait très différente. Il y a des problématiques sur plusieurs fronts.
À ce stade, perfectionner les algorithmes de découverte musicale est un énorme défi. D'une part, les gens ont des goûts souvent éclectiques et peuvent être difficiles à cerner. Il peut aussi être difficile d'expliquer exactement ce qui attire un auditeur vers une chanson en particulier. Est-ce le genre? Les paroles? La tonalité ? Le rythme ? La ligne de basse (drop) ?
Ajoutez à cela l’idée de “valeur intrinsèque” (la musique pour elle-même), et ça peut compliquer beaucoup les choses. Je peux écouter de temps en temps Mary Chapin Carpenter parce que ça me rappelle mes vacances d'été en voiture avec ma mère, sans être particulièrement fan de country music. Les algorithmes peuvent tenir compte d’instances uniques, mais ces occurrences agrégées sont susceptibles de parasiter n'importe quel algorithme qui tient compte de l'historique d'écoute.
De plus, j'ai lu récemment une excellente citation de Marc Ruxin, le co-fondateur de TastemakerX, qui a remarqué qu’en matière de découverte musicale : les algorithmes manquent d’impératif personnel, c’est quelque chose qui je crois sera difficile à surmonter pour ces types de services. C’est plus difficile de faire en sorte qu'un auditeur se sente concerné par quelque chose de nouveau sans que quelqu'un de confiance lui dise : "Ecoute ça c'est génial, moi j’écoute cette chanson tout le temps." Cela signifie qu’en se fondant uniquement sur une découverte musicale automatisée, basée sur un algorithme, il paraît difficile de convertir un auditeur passif en un auditeur actif qui fasse l'effort de s'engager et de prêter intérêt à de nouvelles musiques.
A ce stade, il semble que la découverte musicale doive s’orienter vers une approche sociale. The Hype Machine est le bon exemple du service de découverte musicale qui permet de dénicher les titres, les albums et les artistes les plus commentés en ligne. Spotify également, le géant du streaming, a sorti une série de fonctionnalités qui tentent de résoudre le problème en intégrant plusieurs approches. En permettant aux utilisateurs de suivre les playlists de ses amis, des artistes, et de personnalités influentes, en faisant la promotion des nouveaux albums des artistes préférés, ainsi qu’en faisant des recommandations basées sur l'historique des écoutes de l’auditeur, Spotify se positionne à l'avant-garde de la découverte musicale."
Ce qui crée la tension autour de la découverte musicale Jed Carlson est le président et co-fondateur de la société de services aux artistes ReverbNation :
"Une vision utopique de la découverte musicale visait à se prémunir contre la prophétie autoréalisatrice que certains appellent «l'avantage cumulatif» : l’argent allant à l’argent, les riches devenant toujours plus riches.
Contre cela, on rêve plutôt de l'avènement d'une méritocratie où les meilleures chansons et les artistes les plus talentueux arriveraient rapidement au sommet de la notoriété et du succès. Mais il se trouve que les tendances de la nature humaine soufflent un vent contraire à cette belle vision utopique.
La psychologie de la répétition nous dit que nous nous souvenons et que nous accordons de la valeur aux choses que nous voyons / entendons entre 7 et 10 fois, et cela presque indépendamment de la "qualité" relative du contenu (mais pas entièrement). C'est pourquoi la radio hertzienne a été historiquement un média aussi crucial, pour ceux qui cherchaient à vendre des disques et à sortir de l’anonymat : parce que la répétition a le pouvoir d’entraîner littéralement des masses de gens à l'adhésion.
La meilleure étude que j'ai jamais vu sur la façon dont la musique devient populaire est décrite ici [Is Justin Timberlake a Product of Cumulative Advantage?, New York Times, 15/04/2007]. Au-delà du phénomène de la répétition, l’article se penche sur la façon dont nous nous tournons vers les autres pour nous aider à former nos opinions sur les choses.
Ce que l’article démontre est que la perception que quelque chose a de la valeur (perception largement forgée à partir de l’opinion des autres) a plus d’importance qu’une opinion personnelle que nous aurions pu former sans subir d’influence extérieure. Tout cela créé une tension autour de la découverte musicale : idéalement nous ne voulons pas qu’on nous dicte que qu’il faut aimer, et en même temps les humains sont avides de repères sociaux afin de créer du contexte et donner du sens
aux chansons. En conséquence, ce qu'une personne appellera un "moteur de découverte sociale", une autre personne pourra l’appeler le nouveau garde-barrières de la musique. C'est là que le bât blesse.
Le manque de suivi dans la découverte musicale Cortney Harding est responsable des partenariats pour l'application de découverte musicale Soundrop :
Le problème ? Je dirais tout de suite le manque de suivi, de guidage. J’écoute des tonnes et des tonnes de musique, toute la journée, et depuis des années et des années. Mais je peux compter sur une main le nombre de nouveaux albums, que j'ai écouté plus de cinq fois au cours de la dernière année.
Une des causes à cela est le fait que bien que que je travaille encore dans l'industrie de la musique (ou en tout cas en périphérie), ce n'est plus mon boulot d’écouter des albums et d’écrire à leur sujet. Mais je constate que je préfère désormais la formule de la playlist au format de l'album pour ce qui est d'écouter de la musique au quotidien. J’écoute de la musique principalement quand je fais mon jogging, et je trouve qu'il est difficile d'écouter un artiste sur plusieurs kilomètres. Je préfère un programme plus varié. A la maison, je mets généralement de la musique en fond sonore - la playlist participative Chill-out de Soundrop, par exemple.
Je n'ai pas vu un service de découverte (mais à vrai dire, je ne les ai pas tous regardés) qui me permette facilement de franchir certaines étapes : j'entends une chanson, j'aime une chanson, est-ce que je peux facilement cliquer pour écouter le disque ? Je peux le faire sur Spotify, mais le processus est un peu laborieux [ça se discute, pas tant que ça]. Si j'aime le disque, puis-je savoir quand le groupe jouera à Brooklyn et puis-je acheter les billets pour aller les voir ? Puis-je facilement en un seul clic les suivre sur tous leurs médias sociaux pour me tenir au courant de leur actualité ?
Une fois ces problèmes réglés, je pense que les applications de découverte musicale seront bien mieux. Si la découverte peut conduire de façon fluide à la monétisation, je pense que les fans dépenseront plus et les artistes s’en porteront mieux."
La découverte musicale attire un public de niche Jay Frank est le propriétaire et PDG de DigSin et l'auteur de "Futurehit.DNA" et "Hack Your Hit".
Le plus gros problème des services de découverte musicale est de savoir si les gens attendent réellement ce service. Des services comme Facebook ont réussi parce qu'ils exercent une attraction massive sur une très large partie de la population. La découverte musicale, inversement, intéresse vraiment un créneau très ciblé de consommateurs.
En plus, cette petite portion d’utilisateurs sont ceux qui historiquement se montrent les plus réticents à payer tout de suite pour de la musique. Parce qu’ils se considèrent comme des faiseurs de goût, des influenceurs, et ils n’ont généralement pas le sentiment qu’ils devraient payer pour exercer cette activité de promotion au sein de leur réseau. Ils aiment se persuader qu'ils ont découvert quelque chose au cours de leur exploration, même si le fruit de leur exploration a été induit par un processus préalable de curation (sélection). Cette frange d'utilisateurs ne reconnaîtra donc pas l'utilité des sites de découverte musicale considérant qu'ils peuvent s'en passer . En résumé, si ce type de service ne parvient pas à s'adresser à un large public, ni à convaincre le petit noyau des utilisateurs effectifs de payer pour cela, ça devient un business difficilement rentable.
Pour améliorer cela, je voudrais qu'on abandonne la notion de découverte musicale et faire du divertissement le cœur de l’expérience à proposer, avec la découverte comme corollaire secondaire.
Pandora fonctionne d’abord comme une radio, mais vous pouvez découvrir de la musique au cours de votre écoute. Les blogs populaires adoptent une même approche de divertissement, ils parlent à leur lectorat d’artistes que celui-ci connaît déjà, et entraîne celui-lui doucement vers quelque chose de nouveau. Plus un service se concentre sur l’objectif de divertir son public avec la musique, plus la musique qui fera découvrir aura de la valeur. Cette part de découverte peut être délibérément intégrée dans le process, mais l'utilisateur ne doit pas en être conscient."
Pour débuter une série estivale de billets consacrés à la découverte musicale, voici la traduction de l'article The State of Online Music Discovery [L'état de la découverte musicale en ligne] (22/06/2012) publié par le journaliste John Paul Titlow sur le site ReadWrite.com, et qui présente une excellente synthèse des services en ligne permettant de découvrir de nouveaux artistes et de nouvelles musiques, et de leurs modes de fonctionnement entre algorithme et curation.
"Choisir de la musique pour quelqu’un d’autre est une opération bien plus difficile que de choisir un appareil électro-ménager ou même un film. Les raisons pour lesquelles nous aimons une chanson sont hautement subjectives et peuvent dépendre de paramètres spécifiques parfois subtils. Par conséquent, la recommandation musicale est un problème difficile dont la résolution permettrait de simplifier et d’améliorer la vie d’une très large audience. C’est par la même un challenge attractif pour toute entreprise commerciale cherchant à générer des profits.
Certaines entreprises ont essayé de solutionner la question par la programmation pour déterminer quelles chansons pourraient aimer un auditeur donné.
D’autres ont recourt au jugement humain pour sélectionner des nouvelles musiques en fonction des préférences de l’auditeur.
Dans cet article seront évalué des acteurs-clés de ce marché.
La recommandation automatisée : Last.fm, Pandora et The Echo Nest
L’approche consiste à utiliser la puissance des données et des algorithmes pour comprendre les relations entre les chansons et les auditeurs. Last.fm, Pandora et The Echo Nest sont les principaux acteurs dans ce domaine.
Last.fm n’est sans doute plus aussi tendance que des services apparus plus récemment, comme Spotify, mais il reste cependant un des meilleurs outils de découverte musicale [Last.fm utilise la technologie de l'audioscrobbler : il s'agit d'un plugin à installer qui permet d'approvisionner le site en statistiques d'écoutes, qui retransmet à Last.fm la liste des morceaux que l'utilisateur a écouté avec son lecteur multimédia ou son baladeur numérique.].
Last.fm enregistre et analyse les habitudes d’écoute d’un utilisateur - des appareils numériques mobiles à l’ordinateur de bureau, y compris les pistes lues en streaming depuis le navigateur, et les comparent aux préférences des autres auditeurs.
Le service appartenant à CBS fournit une API ouverte que les développeurs peuvent utiliser pour construire toutes sortes d’applications et de mashups.
Last.fm reste pertinent en imbrication avec beaucoup d’autres services et produits. L’intégration de Last.fm par Spotify comme application dans son logiciel client en est le parfait exemple.
Pandora, le concurrent de longue date de Last-FM est un acteur de premier importance, même face aux nouveaux entrants que sont Slacker Radio et Songza. [Pandora, Slaker Radio, Songza ne sont pas accessibles en France] Le service de web radio de Pandora utilise un algorithme complexe, en partie renseigné par ses employés, qui relie les chansons les unes aux autres. Ce "projet de génome musical" (Music Genome Project) va plus loin qu’une simple correspondance entre artistes et se base sur les habitudes d’écoute. Il prend en compte des caractéristiques musicales spécifiques : le tempo, ou le fait que la chanson comporte un solo de piano électrique, etc. Cette finesse dans la granularité, cette approche en détail des chansons fait de Pandora l’un des moyens semi-automatiques les plus efficaces pour découvrir de la musique. Alors que Last.fm permet de connaître de nouveaux artistes similaires, Pandora excelle dans la suggestion de chansons inconnues.
Récemment, Spotify est allé chercher Pandora sur son terrain en lançant sa propre web radio gratuite.
Contrairement au service de streaming de base de Spotify, cette nouvelle offre est disponible pour les utilisateurs non premium sur leurs appareils mobiles (smartphones, tablettes...)
La radio Spotify est alimentée par The Echo Nest, qui alimente aussi des douzaines d’autres applications musicales comme iHeartRadio[non disponible en France].
Avec plus de 5 milliards de données, The Echo Nest analyse beaucoup plus de données que Pandora et s’appuie davantage sur l’automatisation, incluant l'exploitation des données (data mining), l’analyse acoustique, et l’apprentissage automatique (machine learning). Le résultat dans les transitions entre les titres est moins soniquement réussi que Pandora, mais il rivalise avec Last.FM pour ce qui est de la découverte d’artistes.
Recommandation sociale: les amis en savent plus que les machines
Aussi efficace que puissent être les suggestions automatiques , elles concurrencent encore difficilement les recommandations de vraies personnes, celles que vous connaissez réellement. C'est pourquoi de nombreux services musicaux se sont branchés sur le graphe social de Facebook ou ont intégré Twitter.
Cependant, ce secteur de la découverte musicale est encore en plein développement.
Les intégrations réalisées l’an dernier de Facebook avec Spotify, Rdio et d’autres services, annoncées comme "fluides" (frictionless) créent beaucoup plus de bruit que de résultats pertinents.
Les titres écoutés sur Spotify, et postés sur Facebook, permettent de savoir ce que nos amis ont écouté, mais pas ce qu’ils ont vraiment apprécié, et si on devrait s’en soucier.
Dans un même temps, la tendance des groupes d’écoute avait explosé l’été dernier, permettant à des utilisateurs de se rassembler dans des salles virtuelles, et de jouer tour à tour le rôle de DJ.
Dans cette catégorie, qui n'est sans doute par à la hauteur du battage médiatique généré, on trouve Turntable.fm [pas accessible en France], et Soundrop , une autre application d’écoute en groupe proposée aussi directement sur la plateforme d'applications de Spotify.
Songbird utilise les données de likes de Facebook et les connexions avec les amis et les pages pour proposer des contenus à partir de sources comme YouTube et SoundCloud. La société vise à capitaliser sur ce qu'elle perçoit comme étant les lacunes de services comme Pandora, en s'appuyant davantage sur le graphe social. Songbird rend un service de qualité en proposant un choix pertinent d’artistes à partir d'un profil Facebook, mais n'est pas terrible pour présenter de nouveaux contenus. Un service prometteur mais qui doit encore s’améliorer.
Ne pas être dépassé par les autres médias sociaux, Pinterest est aussi entré dans le jeu de découverte musicale. Bien que le site est davantage connu pour le partage de photos et d'autres images, il est également utilisé pour poster de la musique à partir de sources telles que YouTube et SoundCloud. Il ne compte pas encore parmi les principaux moteurs de la découverte musicale, mais considérant sa croissance rapide, on peut supposer que les artistes qui expérimentent Pinterest ne le regretteront pas.
Les influenceurs (tastemakers) et la curation humaine
Les approches automatisées alimentées par des médias sociaux ont leurs points forts, mais ils sont loin d'être parfait. Et tout seuls, les ordinateurs ne sont pas prêt de sitôt de trouver la martingale de la découverte musicale.
Il s'avère que nous avons encore besoin de cerveaux humains pour écouter et interpréter ce qui deviendra des recommandations musicales. C'est pourquoi l'algorithme de Pandora fonctionne si bien et pourquoi Songza est également promis à un bel avenir. Les deux services, à des degrés divers, s’appuient sur l'intervention humaine pour enrichir les sélections, et établir des références croisées entre les chansons.
Ce besoin d’humanité permet de comprendre pourquoi les blogs musicaux restent l'un des moyens les plus populaires pour les gens de découvrir de nouveaux albums. Les fondateurs de Shuffler.fm sont bien conscients de ça et ont construit leur “magazine audio" d’agrégation musicale pour propulser des titres à partir d'une large sélection de blogs influents. Le résultat est une énorme collection de chaînes orientées par genres musicaux, mettant en vedette des chansons nouvelles et populaires, et organisée par un groupe virtuel d’influenceurs du Web. [Shuffler.fm est intégré à l'App Studio de Deezerhttp://www.deezer.com/fr/app/shuffler ]
Quand Spotify a lancé sa plateforme d’applications tierces l’an dernier, celle-ci incluait des services comme Last.fm et Moodagent. La plateforme s’est lancée également avec des partenaires éditoriaux comme Rolling Stone, Pitchfork, et We are hunted, soulignant le rôle important que joue encore la critique humaine [voir ci-dessous les liens vers les articles dans lesquels nous avons présenté les applications de Spotify]. Les algorithmes et les API peuvent faire des choses étonnantes. Mais en fin de compte - et c’est tout aussi valable pour l’art, les films, les livres et les autres médias - ce qui détermine quelle musique les gens vont aimer nécessite encore le travail d'êtres humains avec de vraies oreilles connectées à de vrais cerveaux. L'avenir de la découverte musicale s'appuiera sur l'homme et sur la machine.
A lire aussi sur le sujet de la découverte musicale :
Avec cette édition de Juillet des Vases communicants, nous poursuivons la découverte de la poésie chantée catalane.
Marta Bramon, bibliothécaire à la bibliothèque de Banyoles, et membre de l'équipe des Musictecaris nous présente aujourd'hui Posseït [Possédé], un petit texte du poète contemporain Gabriel Ferrater (1922-1972), chanté par Miguel Poveda, sur une musique de Juan Gómez "Chicuelo".
L’album Desglaç [Dégel] de Miguel Poveda, sorti en 2005, est une collection de textes de poètes catalans contemporains (Jacint Verdaguer, Joan Margarit, Maria Mercè Marçal, Joan Brossa o Sebastià Alzamora) qui n’avaient jamais été chanté auparavant. Comme c’est l’unique fois où le chanteur de flamenco utilise la langue catalane, sa démarche a été particulièrement bien accueillie en Catalogne.
Gabriel Ferrater, s'est suicidé en 1972, il était très populaire et reconnu par le milieu intellectuel catalan.
Son oeuvre : Les dones i els dies, Da nuces pueris (1960), Menja't una cama (1962), Teoria dels cossos (1966) compte parmi les œuvres poétiques majeures de la littérature catalane de l'après-guerre. Les dones i els dies [Les Femmes et les jours]) est disponible en édition française aux éditions du Rocher (Coll. Anatolia), traduite par William Cliff.
Dans Possédé, la mort est en même temps assimilée à la paix, et en même temps, elle se révèle incapable de la délivrer. Significativement, l’un des deux amants meurt et l’autre continue dans une quête de réalisation encore plus sexuelle.
(Traduction proposée à titre indicatif, réalisée avec l'aide de Martha Bramon)
Posseït
Sóc més lluny que estimar-te. Quan els cucs
faran un sopar fred amb el meu cos
trobaran un regust de tu. I ets tu
que indecentment t´has estimat per mi
fins al revolt: saciada de tu,
ara t´excites, te m´en vas darrera
un altre cos, i em refuses la pau.
No sóc sinó la mà amb què tu palpeges.
Possédé
C’est beaucoup plus que de t’aimer. Quand les vers
Feront un dîner froid avec mon corps
Ils trouveront un arrière-goût de toi. Et toi
qui indécemment t’aimais toi-même par moi
jusqu'au virage : rassasiée de toi,
excitée, tu t'en vas en quête
d’un autre corps, et moi qui refuse la paix.
Je ne suis que la main avec laquelle tu touches.
Livres, Musiques, Jeux vidéo et Films : des marchés qui repartent à la hausse -ITR Manager, 18/06
"Côté distribution justement, ceux qui prédisaient l'extinction du support physique se sont trompés. D'après l'étude Kurt Salmon, dans cinq ans, le support physique, qu'il soit acheté en ligne ou en magasins, sera toujours plébiscité. Il représentera 86% des ventes de livres, 56% des ventes de musique, 64% des ventes de jeux vidéo et 61% des ventes de films. L'important est de "ré-enchanter les modèles des distributeurs physiques pour faire face à la concurrence du e-commerce et des plateformes numériques" soulignent les auteurs de l'étude."
Marché de la musique : le numérique marque le pas -GL Connection, 03/06
"A lui seul, YouTube capte la moitié de cette audience (54%), devant iTunes et Vevo (12% chacun), le reste se répartissant entre Deezer (9%), Dailymotion (5%), Spotify (2%) et les autres plateformes (6%)"
Marthe Himelfarb, une bibliothécaire française à Barcelone : entretien avec une hybride #10 - ACIM, 28/06
« Actuellement le bibliothécaire n’est ni formé, ni motivé, ni assisté pour lutter contre la désertification culturelle massive, je dirais même qu’il est encouragé à s’engager dans d’autres voies comme l’assistance sociale ou l’animation pour ne citer que les principales… »
Le groupe russe Auktyon (АукцЫон) interprète - La route [Дорога] - Album Птица [Ptisa - Oiseau] (1993)
Groupe de rock d'avant-garde , Auktyon s'est formé en 1978 à Saint-Pétersbourg (alors dénommée Léningrad) autour de Leonid Fyodorov et d'Oleg Garkusha. Leur style allie des éléments de jazz, de ska, de new wave, de chanson et de poésie chantée.
traduction donnée à titre indicatif, réalisée à partir de deux traductions anglaises (1 - 2)
Я сам себе и небо, и луна,
Голая, довольная луна,
Долгая дорога, да и то не моя.
За мною зажигали города,
Глупые чужие города,
Там меня любили, только это не я.
О-о, зона!
Ожидает напряженно родниковая.
Я сам себе и небо, и луна,
Голая, довольная луна,
Долгая дорога бескайфовая.
Меня держала за ноги земля,
Голая, тяжелая земля,
Медленно любила, пережевывая.
И пылью улетала в облака,
Крыльями метала облака
Долгая дорога бескайфовая.
О-о, зона!
Ожидает напряженно беспросветная.
Я сам себе и небо, и луна,
Голая, довольная луна,
Я летаю где-то, только это не я.
Сам себе я!..
Moi seul, le ciel et la lune,
Nue, radieuse lune,
Longue route, mais ce n’est pas la mienne,
Derrière moi, la ville éclairée,
Stupides cités indifférentes,
Là on m’a aimé, mais ce n’était pas moi,
Oh la zone !
Attendant fébrile, le printemps,
Moi seul, le ciel et la lune,
Nue, radieuse lune,
Longue route inconnue
Je me tenais les pieds sur la terre,
Nue, dure terre
Lentement, elle aimait mâcher
Et la poussière volait en nuages
Métal ailes nuages
Longue route inconnue.
Oh, la zone !
Attendant fébrile
désespéré.
Moi seul, le ciel et la lune,
Nue, radieuse lune
Je vole quelque part, mais ce n’est pas moi.
L'album Rimbaud (Tzadik, 2012) du compositeur et saxophoniste de jazz John Zorn est constitué d'une suite en 4 parties : Bateau ivre, A season in hell, Illuminations et Conneries. Alors que les 3 premiers titres sont des instrumentaux, le dernier a été enregistré avec la participation du comédien Mathieu Amalric, John Zorn assurant la partie instrumentale : saxophone alto, piano, orgue, guitare, batterie, bruitages.
Conneries est le titre générique donné par Arthur Rimbaud à trois textes : Jeune goinfre, Paris, Cocher ivre et fait partie des poèmes rassemblés sous l'appellation "poèmes zutiques". Mathieu Amalric déclame ici également des bribes et des fragments d'autres textes du même album zutique. Des pièces qui ont été écrites en 1871- 1872, juste après la Commune de Paris, au ton parodique (Fête galante), obscène et scatologique (Sonnet du trou du cul), et dont la violence transgressive annonce et ouvre la voie à Antonin Artaud, Georges Bataille, et Jean Genet, ...
*** (Remembrances du vieillard idiot)
[...] — oh ! non ! —
Pour avoir le bout gros, noir et dur de mon père,
Dont la pileuse main me berçait !...
Je veux taire
[...]
Pardon, mon père !
*** (Le balai)
C'est un humble balai de chiendent, trop dur
Pour une chambre ou pour la peinture d'un mur.
[...]
J'aime de cet objet la saveur désolée
Et j'en voudrais laver tes larges bords de lait,[...]
*** (Les soirs d'été...)
[...] Suceurs du brûle-gueule ou baiseurs du cigare,
[...]
Les soirs d'été, sous l'œil ardent des devantures
Quand la sève frémit sous les grilles obscures
Irradiant [...] Hors [...] Dans [...] — Tandis [...]
[...] propre qui bruit [...] l'onde humaine,
— Et que l'âpre aquilon n'épargne aucune veine.
*** (Remembrances du vieillard idiot)
Pardon, mon père !
[...]
Je cherchais, non le tir banal où tout coup gagne,
Mais l'endroit plein de cris où les ânes, le flanc
Fatigué, déployaient ce long tube sanglant
[...]
Et puis ma mère,
Dont la chemise avait une senteur amère
Ma mère qui montait au lit
[...]ma mère, avec sa cuisse
De femme mûre, avec ses reins très gros où plisse
Le linge, me donna ces chaleurs que l'on tait !...
[...]
Ô pardon !
Je songeais à mon père parfois : [...]
— Car un père est troublant ! — [...]
Son genou, câlineur parfois ; son pantalon
Dont mon doigt désirait ouvrir la fente... — oh ! non !
[...]
La Sainte-Vierge et le crucifix...[...]
Puis ! — qu'il me soit permis de parler au Seigneur ! —
Pourquoi la puberté tardive et le malheur
Du gland tenace et trop consulté ?
[...] Pardonné ?... [...]
Ô cette enfance !
— et tirons-nous la queue !
*** (Hypotyposes saturniennes, ex Belmontet.)
[...] Sur le volcan des nations ! [...]
*** (L'Idole - Sonnet du Trou du Cul)
Des filaments pareils à des larmes de lait
Ont pleuré, sous le vent cruel qui les repousse,
À travers de petits caillots de marne rousse
Pour s'aller perdre où la pente les appelait.
*** (Lys)
Ô balançoirs ! ô lys ! clysopompes d'argent !
[...]
L'aurore [...]
Une douceur de ciel beurre vos étamines !
*** (Les Lèvres closes - Vu à Rome)
Il est, à Rome, à la Sixtine,
Couverte d'emblèmes chrétiens,
Une cassette écarlatine
Où sèchent des nez [...]
De l'immondice [...]
Tous les matins, on introduit [...] schismatique [...] livide [...]
*** (Je préfère sans doute...)
[...]
Où des marronniers nains bourgeonne la baguette,
Vers la prairie étroite et communale, au mois
De mai. [...]
*** (Fête galante)
Rêveur, Scapin
Gratte un lapin
Sous sa capote.
Colombina,
— Que l'on pina ! —
— Do, mi, — tapote
L'œil du lapin
Qui tôt, tapin,
Est en ribote...
*** (J'occupais un wagon de troisième)
J'occupais un wagon de troisième ; un vieux prêtre
Sortit un brûle-gueule et mit à la fenêtre,
Vers les brises, son front très calme aux poils pâlis.
Puis ce chrétien, bravant les brocards impolis,
S'étant tourné, me fit la demande énergique
Et triste en même temps d'une petite chique
De caporal, — ayant été l'aumônier-chef
D'un rejeton royal condamné derechef ; —
Pour malaxer l'ennui d'un tunnel, sombre veine
Qui s'offre aux voyageurs, [...].
*** (État de siège ?)
La lune se bercer parmi la verte ouate,
Malgré l'édit et l'heure encore délicate,
Et que l'omnibus rentre à l'Odéon, impur
Le débauché glapit au carrefour obscur !
*** (Vieux de la vieille !)
Aux paysans de l'empereur !
À l'empereur des paysans !
Au fils de Mars,
Au glorieux 18 mars !
Où le ciel d'Eugénie a béni les entrailles !
*** (Hypotyposes saturniennes, ex Belmontet.)
Quel est donc ce mystère impénétrable et sombre ?
Pourquoi [...]
L'amour veut vivre aux dépens de sa sœur,
L'amitié vit aux dépens de son frère.
*** (Les anciens animaux...)
Au moyen âge pour la femelle, ange ou pource,
Il fallait un gaillard de solide grément :
[...]
D'ailleurs l'homme au plus fier mammifère est égal ;
L'énormité de leur membre à tort nous étonne ;
Mais une heure stérile a sonné : le cheval
Et le bœuf ont bridé leurs ardeurs, et personne
N'osera plus dresser son orgueil génital
Dans les bosquets ou grouille une enfance bouffonne.
*** (Nos fesses ne sont pas les leurs.)
Nos fesses ne sont pas les leurs.
[..]
Plus ferme, blême en bien des cas, il est pourvu
De méplats évidents que tapisse la claie
Des poils ; [...]
Avec moi dieu-le-chien est un poème d'Antonin Artaud, tiré du recueil L'Ombilic des limbes (1925), mis en musique et interprété par Les Têtes Raides et son chanteur Christian Olivier.
Le nouvel album Corps de Mots (Tôt ou tard, 2013) est ainsi dédié aux textes de poètes, pour beaucoup écorchés ou maudits, du XIXe et du XXe siècle : Je voudrais pas crever de Boris Vian, Le Condamné à Mort de Jean Genet, On ne quitte pas son ami de Robert Desnos, et bien d'autres poèmes d 'Arthur Rimbaud, Lautréamont, Guillaume Apollinaire, Roland Dubillard, Raymond Queneau, Marina Tsvetaïeva, Philippe Soupault, sans oublier, en intrus ou en contrepoint, la reprise du Love Me Tender d'Elvis Presley.
Avec moi dieu-le-chien, et sa langue
qui comme un trait perce la croûte
de la double calotte en voûte
de la terre qui le démange.
Et voici le triangle d’eau
qui marche d’un pas de punaise,
mais qui sous la punaise en braise
se retourne en coup de couteau.
Sous les seins de la terre hideuse
dieu-la-chienne s’est retirée,
des seins de terre et d’eau gelée,
qui pourrissent sa langue creuse.
Et voici la vierge-au-marteau,
pour broyer les caves de terre
dont le crâne du chien stellaire
sent monter l’horrible niveau.