29 février 2020

Revue de presse de l’actualité musicale : février 2020



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23 février 2020

Le capharnaüm #71 : Ah bien ! si je m’attendais... Qui êtes-vous ? que voulez-vous ?

l'édition Flammarion en 2 tomes,
ou  le divulgâchis considéré comme l'un des beaux-arts
Claude passait devant l’Hôtel-de-Ville, et deux heures du matin sonnaient à l’horloge, quand l’orage éclata. Il s’était oublié à rôder dans les Halles, par cette nuit brûlante de juillet, en artiste flâneur, amoureux du Paris nocturne. Brusquement, les gouttes tombèrent si larges, si drues, qu’il prit sa course, galopa dégingandé, éperdu, le long du quai de la Grève. Mais, au pont Louis-Philippe, une colère de son essoufflement l’arrêta : il trouvait imbécile cette peur de l’eau ; et, dans les ténèbres épaisses, sous le cinglement de l’averse qui noyait les becs de gaz, il traversa lentement le pont, les mains ballantes.

Du reste, Claude n’avait plus que quelques pas à faire. Comme il tournait sur le quai de Bourbon, dans l’île Saint-Louis, un vif éclair illumina la ligne droite et plate des vieux hôtels rangés devant la Seine, au bord de l’étroite chaussée. La réverbération alluma les vitres des hautes fenêtres sans persiennes, on vit le grand air triste des antiques façades, avec des détails très nets, un balcon de pierre, une rampe de terrasse, la guirlande sculptée d’un fronton. C’était là que le peintre avait son atelier, dans les combles de l’ancien hôtel du Martoy, à l’angle de la rue de la Femme-sans-Tête. Le quai entrevu était aussitôt retombé aux ténèbres, et un formidable coup de tonnerre avait ébranlé le quartier endormi. 

Arrivé devant sa porte, une vieille porte ronde et basse, bardée de fer, Claude, aveuglé par la pluie, tâtonna pour tirer le bouton de la sonnette ; et sa surprise fut extrême, il eut un tressaillement en rencontrant dans l’encoignure, collé contre le bois, un corps vivant. Puis, à la brusque lueur d’un second éclair, il aperçut une grande jeune fille, vêtue de noir, et déjà trempée, qui grelottait de peur. Lorsque le coup de tonnerre les eut secoués tous les deux, il s’écria : 

– Ah bien ! si je m’attendais... Qui êtes-vous ? que voulez-vous ? 
Émile Zola, L'Œuvre (1886)

Meg Baird  - "Back to You"


Captation Videoteca Bodyspace, filmée à Espinho (région de Porto)
album : Don't Weigh Down The Light, Drag City, 2015 - discogs -

Weather Report - "Birdland"


Joe Zawinul (claviers) ; Wayne Shorter (saxophones) ; Jaco Pastorius (basse) ; Peter Erskine (batterie) - Stadthalle Offenbach (Allemagne), 1978
album : Heavy Weather, Columbia, 1977 - discogs -

Opal - "Empty box blues"


"I heard what you said / It's just that I don't believe a word / Of what people say  / I'm not even sure I heard…"
Opal groupe néo-psyché de LA, formé en 1984 par David Roback (ex-Rain Parade, et futur Mazzy Star) et Kendra Smith (ex-Dream Syndicate)
Early Recordings - Rough Trade, 1989 - discogs -


Fats Waller & Ada Brown - "That Ain't Right "


"Baby, baby / What is the matter with you? / (Ain't nothing wrong with me, babes; nothing at all) / Baby, baby / What is the matter with you? (One never knows, do one?) / You got the world in a jar (Yeah, but where's the stopper?) And you've got nothin' to do (Do you hear that mess? She's always layin' it on me!)"
Fats Waller  (1904-1943) Ada Brown (1890-1950) dans le film Stormy Weather (1943) d'Andrew L. Stone.

Perrey - Kingsley - "Spooks In Space"


Jean-Jacques Perrey (1929-2016) et Gershon Kingsley (1922-2019)
album The In Sound From Way Out!, Vanguard, 1966 - discogs -

15 février 2020

Oi Va Voi "A csitári hegyek alatt" [Au pied des montagnes de Csitár] : chanson #132

Collectage, amour lointain et trip-hop klezmer



Chanson folklorique hongroise collectée par Zoltán Kodály à Alsócsitár, village de Slovaquie en 1914.

Béla Bartók l'a intégrée en 1929 dans un recueil Vingt chants populaires hongrois (ou vingt chansons folkloriques hongroises" (Sz. 92, BB 98) divisé en 4 cahiers : "Chansons tristes ; Chansons à danser ; Chansons diverses ; Chansons dans un style nouveau".

Le texte hermétique et ambigu, autour du thème de l' "amour lointain",  laisse place à plusieurs interprétations. Ainsi le romarin, "herbe des troubadours" est le symbole de la fidélité, de la loyauté, d'amour, mais aussi du souvenir...

La chanson est interprétée ici par Oi Va Voi (album Laughter Through Tears, 2003), groupe britannique de musique klezmer/trip-hop formé au début des années 2000.



A csitári hegyek alatt

A csitári hegyek alatt régen leesett a hó.
Azt hallottam, kisangyalom, véled esett el a ló.
Kitörted a kezedet, mivel ölelsz engemet?
Így hát kedves kisangyalom, nem lehetek a tied.

Amott látok az ég alatt egy madarat repülni.
De szeretnék a rózsámnak egy levelet küldeni.
Repülj, madár, ha lehet, vidd el ezt a levelet!
Mondd meg az én galambomnak, ne sirasson engemet.

Arra alá van egy erdő, jajj de nagyon messze van,
kerek erdő közepében két rozmaring bokor van,
egyik hajlik vállamra, másik a babáméra
így hát kedves kisangyalom tiéd leszek valaha.

Au pied des montagnes de Csitár*

Au pied des montagnes de Csitár,
la neige est tombée depuis longtemps.
J’ai entendu, petit ange, on dit que le cheval est tombé,
Vous avez cassé votre main en me serrant dans vos bras ?
Alors, cher petit ange, je ne peux être à toi.

Je vois un oiseau voler dans le ciel.
J’aimerais envoyer une lettre à ma rose.
Vole, oiseau, prend cette lettre si tu le peux!
Dis à ma colombe, de ne pas pleurer pour moi.

En-bas, il y a une forêt, mais c’est si loin,
Au milieu de la forêt, en son centre, il y a deux buissons de romarin,
l’un s’appuie sur mon épaule, l’autre sur celle de mon bébé,
Ainsi, cher petit ange, je serai toujours à toi.
(traduction littérale, à titre indicatif, par NB)

* Csitár, est un village du comté de Nógrád situé dans le nord de la Hongrie, près du massif du Cserhát, qui fait partie de la chaîne des Carpates

A csitári hegyek alatt, enregistrement de collectage




A csitári hegyek alatt par Erika Miklósa, soprano colorature et Atilla Kiss B, ténor




A propos :
A csitári hegyek alatt - wikipedia - commentaire du texte - (en hongrois)
 Oi Va Voi - wikipédia - allmusic - discogs -

9 février 2020

Playlist #42, février 2020 : neuf albums à découvrir sans attendre


Une sélection curieuse de l'actualité musicale, pour partager quelques recommandations et aborder l'univers d'artistes d'aujourd'hui, émergents ou confirmés, en leur accordant une écoute patiente et attentive, dans l'abondance des sorties du moment. No rush, no crunch, no hurry !




Avid Dancer
"Sharaya"(autoproduit, 2018)
Nom d'artiste de Jacob Dillian Summers, chanteur et musicien de LA, ancien US marine, il joua dans une fanfare militaire, puis comme batteur professionnel de studio.
1er album : 1st bath en 2015 sur le label Grand Jury.
[allmusic, discogs, bandcamp]
(pop)


Men I Trust
"Oncle Jazz"(Return To Analog, 2019)
Groupe de soul pop de Montréal fondé en 2014 par Jessy Caron (basse) et Dragos Chiriac (claviers).  Le duo de départ sera rejoint par la chanteuse et guitariste Emmanuelle Proulx. Oncle Jazz est leur 4ème album. Redoutable hit Tailwhip conçu pour être écouté en boucle.
[allmusic, discogs, bandcamp]
(pop soul)


Jesca Hoop
"Stonechild" (Memphis Industries, 2019)
Auteure-compositrice-interprète californienne, Jesca Hoop délivre une folk introspective et intimiste dans la veine de Vashti Bunyan et de Joni Mitchell. Elle a débuté en 2007, et Stonechild est son 9ème album.
[allmusic, discogs, bandcamp]
(folk pop)



The Aristocrats
"You Know What...?"(BOING! Music LLC, 2019)
The Aristocrats est un groupe de rock progressif / jazz fusion metal de Los Angeles formé en 2011. Le trio est composé de Marco Minnemann (batterie), Guthrie Govan (guitare) et Bryan Beller (basse). Leurs sources d'inspiration vont de Jimi Hendrix et Frank Zappa à Rage Against the Machine, en passant par King Crimson et Return to Forever. You Know What...? est leur 7ème album.
[allmusic, discogs, wikipedia]
(rock prog jazz fusion metal)



Foxes In Fiction
"Trillium Killer"(Orchid Tapes, 2019)
Débuté en 2009, Foxes in Fiction est le projet de Warren Hildebrand, musicien originaire de Toronto, Ontario, et installé à Brooklyn, New York. Warren Hildebrand est aussi le fondateur du label Orchid Tapes (Yohuna, Alex G, Elvis Depressedly, Soccer Mommy)
[allmusic, discogs, bandcamp]
(dream pop)



Locate S,1
"Healing Contest"(Nicey Music, 2018)
Projet de Christina Schneider, musicienne originaire d'Athens, Géorgie (USA). Healing Constest est produit par Kevin Barnes. Son prochain album Personalia (sortie en avril 2020) sera aussi co-produit avec le leader d'Of Montreal.
[allmusic, discogs, bandcamp]
(pop)



Office Culture
"A Life Of Crime"(Label, 2019)
Groupe de pop jazz Brooklyn, NY formé par Winston Cook-Wilson (chant, claviers), Ian Wayne (guitare, synthétiseurs, choeurs), Charlie Kaplan (basses), Patrick Kelly (batterie, percussions). Ils revendiquent les influences sophistiquées et "sardoniques" d’auteurs compositeurs comme Donald Fagen et Warren Zevon, ou encore Tom Waits et Joni Mitchell.
[allmusic, discogs, bandcamp]
(pop soul jazz)



Mass Gothic
"I've Tortured You Long Enough"(Sub Pop, 2018)
Projet du chanteur, songwriter et musicien  new-yorkais Noel Heroux, ex leader d' Hooray for Earth (2005-2014). I've Tortured You Long Enough,  a été réalisé en collaboration avec Jessica Zambri, l'épouse de Noel Heroux, très présente au chant et à la composition.
[allmusic, discogs, bandcamp]
(pop rock)



Rocketship
"Thanks To You"(Darla Records, 2019)
Groupe de Sacramento, Californie formé en 1993 autour du chanteur guitariste et songwriter Dustin Reske. Sur Thanks to you, leur 4ème album studio (aux capiteuses essences de My Bloody Valentine et de Stereolab), Dustin Reske a travaillé en presque duo avec la chanteuse Ellen Osborn.
[allmusicdiscogsbandcamp]
(shoegaze, dream pop)

7 février 2020

Le capharnaum #70 : Certes, nul ne peut te faire violence, puisque tu es seul

– Kyklôps, tu me demandes mon nom illustre. Je te le dirai, et tu me feras le présent hospitalier que tu m'as promis. Mon nom est Personne. Mon père et ma mère et tous mes compagnons me nomment Personne.
Je parlai ainsi, et, dans son âme farouche, il me répondit :
 – Je mangerai Personne après tous ses compagnons, tous les autres avant lui. Ceci sera le présent hospitalier que je te ferai.
 Il parla ainsi, et il tomba à la renverse, et il gisait, courbant son cou monstrueux, et le sommeil qui dompte tout le saisit, et de sa gorge jaillirent le vin et des morceaux de chair humaine ; et il vomissait ainsi, plein de vin. Aussitôt je mis l'épieu sous la cendre, pour l'échauffer ; et je rassurai mes compagnons, afin qu'épouvantés, ils ne m'abandonnassent pas. Puis, comme l'épieu d'olivier, bien que vert, allait s'enflammer dans le feu, car il brûlait violemment, alors je le retirai du feu. Et mes compagnons étaient autour de moi, et un daimôn nous inspira un grand courage. Ayant saisi l'épieu d'olivier aigu par le bout, ils l'enfoncèrent dans l'oeil du kyklôps, et moi, appuyant dessus, je le tournais, comme un constructeur de nefs troue le bois avec une tarière, tandis que ses compagnons la fixent des deux côtés avec une courroie, et qu'elle tourne sans s'arrêter. {...]. Et il hurla horriblement, et les rochers en retentirent. Et nous nous enfuîmes épouvantés. Et il arracha de son oeil l'épieu souillé de beaucoup de sang, et, plein de douleur, il le rejeta. Alors, à haute voix, il appela les kyklopes qui habitaient autour de lui les cavernes des promontoires battus des vents. Et, entendant sa voix, ils accoururent de tous côtés, et, debout autour de l'antre, ils lui demandaient pourquoi il se plaignait :
 – Pourquoi, Polyphèmos, pousses-tu de telles clameurs dans la nuit divine et nous réveilles-tu ? Souffres-tu ? Quelque mortel a-t-il enlevé tes brebis ? Quelqu'un veut-il te tuer par force ou par ruse ?
Et le robuste Polyphèmos leur répondit du fond de son antre :
– Ô amis, qui me tue par ruse et non par force ? Personne.
 Et ils lui répondirent en paroles ailées :
– Certes, nul ne peut te faire violence, puisque tu es seul. On ne peut échapper aux maux qu'envoie le grand Zeus. Supplie ton père, le roi Poseidaôn.
L'Odyssée d'Homère,
traduction de Charles-René-Marie Leconte de L'Isle
(ill.Polyphemos reclining and holding a drinking bowl.” Museum of Fine Arts, Boston. Museum of Fine Arts, Boston)

Jessica Pratt - "Moon Dude"


Jessica Pratt ‎– On Your Own Love Again - Drag City, 2015

Durutti Column "Never Know"


The Durutti Column ‎– LC - Factory, 1981
groupe post-punk anglais formé en 1978 à Manchester, The Durutti Column est devenu par la suite le projet solo de Vini Reilly

Sapho - "Chaises De Jardin"


Sapho "Chaises de jardin" ‎– Passage D'Enfer - Pathé, 1982


Chico Hamilton and Euphoria - "Tickle Toe"


Chico Hamilton And Euphoria ‎– Arroyo - Soul Note, 1991


ДДТ [DDT] - "Я получил эту роль [J'ai ce rôle]"


album : ДДТ - Периферия [Periferiya] - 1984 - vidéo 1987
DDT, groupe russe formé en 1980 par Iouri Chevtchouk [Ю́рий Юлиа́нович Шевчу́к]

3 février 2020

Revue de presse de l’actualité musicale : janvier 2020



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Sorties d'albums pop

  • UR FUN par of Montreal - bandcamp
  • Have We Met par Destroyer - bandcamp
  • The Neon Skyline par Andy Shauf - bandcamp
  • Laughing Gas EP par Wild Nothing - bandcamp
  • Thin Mind par Wolf Parade - bandcamp
  • Shelly's Gone par Surface to Air Missive - bandcamp

27 janvier 2020

Jacek Kaczmarski "Stalker" (d'après le film d'Andréi Tarkovski) : chanson #131



Jacek Kaczmarski (1957-2004), surnommé le "barde de Solidarność", est un poète et un chanteur très populaire et célébré en Pologne.

Héritier et disciple de Vladimir Vyssotski, de Bulat Okudzhava, de Georges Brassens et de Bob Dylan, Jacek Kaczmarski puisa plus largement ses sources d’inspiration dans la littérature polonaise et mondiale.

Plus étonnant, nombre de ses chansons font référence aux tableaux des grands maîtres de la peinture : près d'une trentaine de chansons rendent hommage à Dürer, Bruegel, Picasso, Goya, Manet, Bosch, Klee, Munch, Dali, Velázquez, ...)  et aux chefs d'oeuvre du cinéma : La nuit des forains d' Ingmar Bergman, Casanova de Federico Fellini, ... Andreï Roublev et Stalker d'Andréi Tarkovski.

Jacek Kaczmarski  "Stalker" (d'après le film d'Andréi Tarkovski)


Stalker
(według filmu A.Tarkowskiego)

Kogóż to z nas tonący nie wiózł wrak?
Któż z nas zaprzeczyć może że ułomny?
Kogóż nie łudził oślepiony ptak?
Kogóż w bezludzie nie wiódł pies bezdomny?




A przecież wciąż przyciąga strefa ogrodzona
I ogrodzona nie bez celu – chcemy wierzyć
To nie my w Zonie, to nam odebrana Zona
Nam ją niepewnym, ale własnym krokiem mierzyć
Póki nadziei gorycz wreszcie nie pokona.




Dlatego, mimo druty, wieże i strażnice
Tam chcemy dotrzeć, gdzie nam dotrzeć zabroniono
Bezużyteczne, śmieszne posiąść tajemnice
Byleby jeszcze raz gorączką tęsknot płonąć
Nim podmuch jakiś strzepnie chwiejne potylice.



Droga okrężna może być i oszukańcza,
Może nas wiedzie szalbierz chciwy paru groszy,
Lecz lepsze to, niż śmierć na wapniejących szańcach
U progu granic niewidzialnych i aproszy,
Gdzie ziewa żołnierz tak podobny do skazańca.

Po zatopionych dawno droga to dolinach;
Pod płytką wodą nieczytelne czasu grypsy:
Szlak po ikonach, rękopisach, karabinach
Nad którym wiosło kreśli plusk Apokalipsy;
Nie po nas płacz – i nie po przodkach – płacz po synach.



Więc prawda, którą znaleźć nam to pusty pokój
Gdzie nagle dzwonią wyłączone telefony?
Serdeczna krew snująca w martwym się potoku,
Bezsilny gniew na obojętność Nieboskłonu
I magia słów, co chronić ma od złych uroków?




Więc prawda, którą znaleźć nam to stół z kamienia,
Z którego przedmiot modłów spadł nietknięty dłonią?
W stukocie kół transportu – Aria Beethovena?
Bezdenna toń, a nad bezdenną tonią
Twarz własna co przegląda się w przestrzeniach?


Z tonących – komu los nie zesłał tratw?
Z ułomnych – zdrowia nie przywrócił komu?
Gdy oślepiony ptak odnalazł ślad
I pies bezdomny siadł na progu domu.
Stalker
(d'après le film d'Andréi Tarkovski)

Qui de nous n’a jamais voyagé sur une épave en train de sombrer ?
Qui de nous peut nier qu’il est imparfait ?
Qui de nous n’a jamais été égaré par un oiseau aveuglé ?
Qui n’a jamais été guidé à travers la lande par un chien errant ?

Et pourtant la zone clôturée nous attire toujours
Nous voulons croire qu’elle n’est pas interdite pour rien.
Cette Zone qui nous a été enlevée
A nous de l’arpenter de nos propres pas, même dans l’incertitude
Jusqu’à ce que tout espoir, vaincu par l’amertume, soit perdu

Ainsi, malgré les barbelés, les postes de garde, et les tours de guet,
Nous voulons aller là où nous n’avons pas permission d’aller.
Pour posséder des secrets ridicules et inutiles
Si seulement la fièvre d’une passion nous embrasait encore une fois
Avant qu’une décharge nous abatte la nuque.

Le chemin est peut-être sinueux et trompeur,
Notre guide, un escroc qui n’est là que pour l’argent
Mais reste préférable à la mort sur des remparts calcifiants,
Au seuil de frontières invisibles, où baille
un soldat semblable à un condamné.

Un long chemin dans les vallées inondées ;
Sous l’eau peu profonde des messages secrets illisibles ;
Un sillage d'icônes, de manuscrits, et de fusils
Sur lequel la pagaie dessine un clapot d’Apocalypse ;
Ne pleurez ni pour nous ni pour nos ancêtres - pleurez pour nos fils.

Alors la vérité, que nous trouvons est une pièce vide
Où soudain des téléphones débranchés se mettent à sonner ?
Le sang le plus cher, qui coule lentement dans un ruisseau mort,
Une colère impuissance face à l’indifférence du ciel,
Et la magie des mots pour se protéger des mauvais envoûtements ?

Alors la vérité, que nous trouvons est  une table de pierre,
D’où est tombé l'objet des prières, sans être touché ?
Dans le bruit des roues du véhicule - Un air de Beethoven ?
Abîme sans fond, et au-dessus, suspendu,
Notre propre visage, se regardant dans les espaces ?

Des noyés - à qui le sort n’a pas envoyé de radeau ?
Des malades - à qui il n’a pas accordé de guérison ?
Quand l’oiseau aveuglé a enfin trouvé la piste
Et le chien errant s’est enfin assis au seuil de la maison.

(traduction littérale par nb, avec le support d'une traduction en anglais - par Jadwiga Smulko et Ryszard P. Kostecki)


à propos de :
Jacek Kaczmarski - wikipédia - discogs -
Stalker (1979) d'Andréi Tarkovski - wikipédia - imdb -

20 janvier 2020

Propaganda "A dream within a dream" : chanson #130

Inception, symbolisme et synthpop allemande 



Propaganda est un groupe allemand de new wave synthpop originaire de Düsseldorf, formé en 1982 par la chanteuse Claudia Brücken, le batteur Michael Mertens et les claviéristes Susanne Freytag et Ralf Dorper.
Vers 1984, ils sont signé par ZZT Records, le label de Trevor Horn (Art Of Noise, Frankie Goes To Hollywood, ...) avec un 1er EP The Nine Lives Of Dr. Mabuse et partent s'installer au Royaume-Uni.
Wikipédia - Discogs - Allmusic -

Propaganda - Dream within a dream (poéme d'Edgar Allan Poe) - A Secret Wish (ZZT, 1985)



A DREAM WITHIN A DREAM 
Take this kiss upon the brow!
And, in parting from you now,
Thus much let me avow-
You are not wrong, who deem
That my days have been a dream;
Yet if hope has flown away
In a night, or in a day,
In a vision, or in none,
Is it therefore the less gone?
All that we see or seem
Is but a dream within a dream.

I stand amid the roar
Of a surf-tormented shore,
And I hold within my hand
Grains of the golden sand-
How few! yet how they creep
Through my fingers to the deep,
While I weep–while I weep!
O God! can I not grasp
Them with a tighter clasp?
O God! can I not save
One from the pitiless wave?
Is all that we see or seem
But a dream within a dream?
UN RÊVE DANS UN RÊVE
Tiens ! ce baiser sur ton front ! Et, à l’heure où je te quitte, oui, bien haut, que je te l’avoue : tu n’as pas tort, toi qui juges que mes jours ont été un rêve ; et si l’espoir s’est enfui en une nuit ou en un jour, – dans une vision ou aucune, n’en est-il pour cela pas moins PASSÉ ? Tout ce que nous voyons ou paraissons n’est qu’un rêve dans un rêve.



Je reste en la rumeur d’un rivage par le flot tourmenté et tiens dans la main des grains du sable d’or – bien peu ! encore comme ils glissent à travers mes doigts à l’abîme, pendant que je pleure – pendant que je pleure ! Ô Dieu ! ne puis-je les serrer d’une étreinte plus sûre ? Ô Dieu ! ne puis-je en sauver un de la vague impitoyable ? Tout ce que nous voyons ou paraissons, n’est-il qu’un rêve dans un rêve ?

traduction de Stéphane Mallarmé

Stéphane Mallarmé (1842-1898), qui fut professeur d'anglais, publia en 1889 une traduction en prose des poèmes d'Edgar Poe, dédiée à la mémoire de Charles Baudelaire, Que la Mort seule empêcha d’achever, en traduisant l’ensemble de ces poèmes, le monument magnifique et fraternel dédié par son génie à EDGAR POE..

Poèmes d'Edgar Poe, avec illustrations par Édouard Manet, Bruxelles, Edmond Deman, 1888 [wikisource]

19 janvier 2020

Le capharnaum #69 : Un ensemble bizarre qui tient du palais et de la chaumière

J’ai trouvé là tous les débris de mes diverses fortunes, les restes confus de plusieurs mobiliers dispersés ou revendus depuis vingt ans. C’est un capharnaüm comme celui du docteur Faust. Une table antique à trépied aux têtes d’aigles, une console soutenue par un sphinx ailé, une commode du dix-septième siècle, une bibliothèque du XVIIIe, un lit du même temps, dont le baldaquin, à ciel ovale, est revêtu de lampas rouge (mais on n’a pu dresser ce dernier) ; une étagère rustique chargée de faïences et de porcelaines de Sèvres, assez endommagées la plupart ; un narguilé rapporté de Constantinople, une grande coupe d’albâtre, un vase de cristal ; des panneaux de boiseries provenant de la démolition d’une vieille maison que j’avais habitée sur l’emplacement du Louvre, et couverts de peintures mythologiques exécutées par des amis aujourd’hui célèbres ; deux grandes toiles dans le goût de Prudhon, représentant la Muse de l’histoire et celle de la comédie. Je me suis plu pendant quelques jours à ranger tout cela, à créer dans la mansarde étroite un ensemble bizarre qui tient du palais et de la chaumière, et qui résume assez bien mon existence errante. 
Gérard de Nerval - Aurélia ou Le Rêve et la Vie, Lévy, 1868 (Wikisource)


Jacques - Hoohoohoo Hahaha


Jacques Auberger est un producteur de musique électronique né à Strasbourg en 1991.
- wikipédia -

Raymond Devos - J'ai des doutes


Raymond Devos (1922-2006) interprétant la 5e étude en si mineur de Fernando Sor (1778-1839)

Hannigan & GSO - Mysteries of the Macabre de György Ligeti


Barbara Hannigan est une soprano et cheffe d'orchestre canadienne, née le 8 mai 1971 à Halifax (Nouvelle-Écosse).
Tout en dirigeant l'Orchestre symphonique de Göteborg (GSO), Barbara Hannigan interprète ici Gepopo, chef de la police secrète, dans Mysteries of the Macabre, un arrangement par Elgar Howarth de trois airs tirés de l'opéra de György Ligeti Le Grand Macabre.
- wikipédia -

Юрий Викторович Руделёв [Yuri Rudelev] - Широка страна моя родная [Vaste est ma patrie]


Юрий Викторович Руделёв {Yuri Rudelev] (1952-2012) publia sur sa géniale chaîne Youtube zonaromega de 2007 à 2012 plus de 180 vidéos où il interprétait des chansons du répertoire russe et des hymnes patriotiques, devant un fond d'écran vert avec incrustation de captures de jeux vidéo en monde ouvert (Elder Scrolls, FPS, ...) accompagné d'un chœur d'improbables compagnons (dinosaure, licorne, requin, koala,...) . Il chante ici le chant patriotique Vaste est ma Patrie (wikipédia en russe - à propos de la chanson)
- à propos d'Yuri Rudelev (en russe) -

The Aristocrats - Erotic Cakes


The Aristocrats est un groupe de rock progressif / jazz fusion metal de Los Angeles formé en 2011. Le trio est composé de Marco Minnemann (batterie), Guthrie Govan (guitare) et Bryan Beller (basse). Leurs sources d'inspiration vont de Frank Zappa à Rage Against the Machine, en passant par King Crimson et Return to Forever.
- Wikipédia - Discogs - Allmusic

14 janvier 2020

Vladimir Vyssotski chante "Моя цыганская" [Ma tzigane] et son adaptation en français "Plus rien ne va" : chanson de la semaine #129

Vladimir Vyssotski [Владимир Высоцкий] (1938-1980), chanteur et comédien moscovite très populaire, a écrit et composé plus de 600 chansons, dont très peu cependant furent éditées de son vivant en Russie (Un album chez Melodiya en 1978).

Vyssotski créa  Ma (chanson) tzigane pendant l'hiver 1967-1968, et l'enregistrera à de multiples reprises, sous différents titres Цыганочка [Tsigane], Моя цыганочка [Ma tzigane], Вариации на цыганские темы [Variations sur des thèmes tziganes], Всё не так [Ça n'est pas ça], В сон мне — жёлтые огни [Mon rêve, lumières jaunes].

Il circule ainsi 34 interprétations de Ma Tsigane enregistrées par Vyssotski entre 1968 et 1979, en Russie, mais aussi hors du territoire soviétique.

La chanson "Моя цыганская" - article wikipedia en russe






Моя Цыганская
В сон мне - жёлтые огни,
И хриплю во сне я:
- Повремени, повремени,-
Утро мудренее!
Но и утром всё не так,
Нет того веселья:
Или куришь натощак,
Или пьёшь с похмелья.

В кабаках - зелёный штоф,
Белые салфетки.
Рай для нищих и шутов,
Мне ж - как птице в клетке!
В церкви смрад и полумрак,
Дьяки курят ладан.
Нет! И в церкви всё не так,
Всё не так, как надо.

Я - на гору впопыхах,
Чтоб чего не вышло.
А на горе стоит ольха,
А под горою вишня.
Хоть бы склон увить плющом,
Мне б и то отрада,
Хоть бы что-нибудь ещё...
Всё не так, как надо!

Я тогда по полю, вдоль реки.
Света - тьма, нет бога!
А в чистом поле васильки,
Дальняя дорога.
Вдоль дороги - лес густой
С Бабами-Ягами,
А в конце дороги той -
Плаха с топорами.

Где-то кони пляшут в такт,
Нехотя и плавно.
Вдоль дороги всё не так,
А в конце - подавно.
И ни церковь, ни кабак -
Ничего не свято!
Нет, ребята, всё не так,
Всё не так, ребята!
Ma chanson tzigane
Dans mon rêve, des lumières jaunes,
Et dans mon rêve, je me répète :
- Attends un peu, attends un peu,
Le matin qui vient sera plus calme!
Mais au matin, ça ne va pas,
Rien de réjouissant :
Ou tu fumes à jeun,
Ou tu bois sur ta gueule de bois.

Dans les tavernes, bouteilles vertes,
et serviettes blanches.
Paradis des épaves et des bouffons,
Et moi - comme un oiseau en cage!
Dans l’église crépusculaire puante d'humidité,
Des diacres brûlent de l’encens.
Non ! A l’église ça ne va pas,
Tout ne va pas comme il se doit.

Je me démène sur une montagne,
Alors ça ne sert à rien.
Et sur la montagne se dresse un arbre,
Et en bas de la montagne il y a une cerise.
Si au moins du lierre poussait sur la pente,
J’en serais content,
Tout ne va pas comme il se doit.


Et je vais par les champs, le long de la rivière,
Lumière - ténèbres, il n’y a pas de dieu!
Dans le champ il y a des bleuets,
La route est longue.
Le long de la route - Une forêt épaisse
pleine de sorcières (Baba-Yaga)
Et au bout de la route
Un billot et des haches.

Quelque part, des chevaux dansent en cadence,
A contrecœur, indolemment.
Tout va mal le long de la route.
Et à la fin, c’est encore pire,
Ni l'église, ni la taverne,
Rien n’est sacré !
Non les gars, ça ne va pas,
ça ne va pas, les gars !

Traduction littérale par nb du texte original avec comme support les traductions en anglais, allemand, italien, tchèque, croate, hongrois, roumain proposées sur le site Lyricstranslate.com

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Vladimir Vyssotski chante en français "Plus rien ne va" 

Pendant un séjour en France avec son épouse Marina Vlady à la fin des années 70, Vyssotski rencontre Maxime Le Forestier qui lui présenta une adaptation en français de deux de ses chansons : Le Vol arrêté et Rien ne va (d'après "Моя цыганская" [Ma tzigane]).

Vladimir Vyssotski - Plus rien ne va
adaptation du texte en français par Maxime Le Forestier

"Sommeillant, je vois la nuit des crimes lourds où l'on saigne
Pauvre de moi, pauvre de moi, l'outre est pleine à craquer
Au matin, comme il est âcre le goût du vin maudit !
Va, dépense tout mon crédit car j'aurai soif aujourd'hui

Rien ne va, plus rien ne va
Pour vivre comme un homme, comme un homme, comme un homme droit
Plus rien ne va
Pour vivre comme un homme doit !

Dans tous les cabarets sans fond où je m'enterre chaque nuit
Je suis l'empereur des bouffons, le frère de n'importe qui
Je vais vomir mon repentir au pied des tabernacles
Mais comment prier dans la fumée de l'encens des diacres ?

Rien ne va, plus rien ne va

[...] " (extrait)

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Sources et références :
Vladimir Vyssotski - wikipédia - discogs

Podcast :
France Culture - Une vie une oeuvre - Vladimir Vyssotski, le cri de l’âme (1938-1980)