24 juillet 2021

Le capharnaüm #88 : Du calme, Joe

As the chopper left the ground the moratorium owner pressed a button on his control panel. Throughout the cabin of the chopper, from a dozen sources, the sound of Beethoven’s Missa Solemnis rolled forth sonorously, the many voices saying, “Agnus dei, qui tollis peccata mundi,” over and over again, accompanied by an electronically augmented symphony orchestra.
“Did you know that Toscanini used to sing along with the singers when be conducted an opera?” Joe said. “That in his recording of Traviata you can hear him during the aria ‘Sempre Libera’?”
“I didn’t know that,” Al said. He watched the sleek, sturdy conapts of Zurich move by below, a dignified and stately procession which Joe also found himself watching.
“Libera me, Domine,” Joe said.
“What’s that mean?”
Joe said, “It means, ‘God have mercy on me.’ Don’t you know that? Doesn’t everybody know that?”
“What made you think of it?” Al said.
“The music, the goddam music.” To von Vogelsang he said, “Turn the music off. Runciter can’t hear it. I’m the only one who can hear it, and I don’t feel like hearing it.” To Al he said, “You don’t want to hear it, do you?”
Al said, “Calm down, Joe.”
Philip K. Dick, Ubik, Doubleday, 1969


Au moment où l’engin décollait, le propriétaire du moratorium appuya sur un bouton du tableau de commandes. À travers la cabine, d’une douzaine de sources sonores s’élevèrent les accents de la Missa Solemnis de Beethoven, avec les chœurs chantant « Agnus Dei, qui tollis peccata mundi », accompagnés par un orchestre symphonique électroniquement augmenté.
— Saviez-vous que Toscanini chantait en même temps que les solistes quand il dirigeait un opéra ? demanda Joe. Dans son enregistrement de La Traviata, on l’entend distinctement durant l’aria Sempre libera.
— J’ignorais, dit Al.
Il observait les ensembles résidentiels robustes et lisses de Zurich qui défilaient sous eux, en une procession digne et majestueuse que Joe se surprit aussi à examiner.
Libera me, Domine, déclara Joe.
— Qu’est-ce que ça veut dire ?
— Ça veut dire : « Seigneur, délivrez-moi. » Vous ne le saviez pas ? Je pensais que tout le monde le savait.
— Qu’est-ce qui vous y a fait penser ? dit Al.
— La musique, cette saleté de musique. (Joe dit à von Vogelsang :) Vous ne pouvez pas arrêter votre bazar ? Runciter ne peut pas l’écouter. Il n’y a que moi qui l’entends, et je n’en ai pas envie. (Il poursuivit à l’intention d’Al :) Vous non plus, non ?
— Du calme, Joe, dit Al.
Philip K. Dick, Ubik (1969), trad. par Alain Dorémieux, R. Laffont, 1970 (Ailleurs et Demain)




John Maus - Juan's Basement Live


Juan’s Basement” - Pitchfork - 14 février 2018
Titres : The Combine ; Bennington ; Do Your Best ; Cop Killer ; Edge of Forever, des albums "Screen Memories" (2017), "Love Is Real" (2007) et "We Must Become the Pitiless Censors of Ourselves" (2011)
John Maus - discogs - wikipedia

Roxy Music - In Every Dream Home a Heartache


The Old Grey Whistle Test, BBC 1973
Roxy Music – For Your Pleasure, Island Records 1973
Bryan Ferry : chant, guitare rythmique ; Brian Eno : synthétiseur ; Andrew Mackay : orgue électronique ; Phil Manzanera : guitare électrique ; John Porter : basse ; Paul Thompson : batterie


Louis Andriessen - Vermeer Pictures


Vermeer Pictures (2005) suite de concert pour orchestre, Radio Kamer Filharmonie dirigé par Michael Schønwandt, d'après l'opéra Writing to Vermeer de Louis Andriessen (1939-2021) sur un livret de Peter Greenaway
production TROS / Arvo, Pays-Bas


Pink Floyd - Pow R. Toc H.


"Pow R. Toc H.", instrumental avec effets vocaux (bruits de bouche et cris), enregistré sur l'album The Piper at the Gates of Dawn
BBC Session 20 décembre 1967
Syd Barrett – guitare, chant ; Roger Waters – basse, cris ; Richard Wright – claviers ; Nick Mason – batterie, percussions


Beethoven - Missa Solemnis. V. Agnus Dei - Nikolaus Harnoncourt



8 juillet 2021

Le capharnaüm #87 : Il regarda l’appartement, le désordre qui y régnait.

He took a long drag on the cigarette and tried to think of something he believed in. Only the most negative ideas emerged. He believed that if you hit a man very hard in the face, he would pay attention to you after that. Everything else seemed soft and inconsequential when compared to the finality of sudden violence. “If I was God,” Caleb had said, “I’d keep one hand on everybody’s balls.” Caleb had said it more or less as a joke, but to Frank it was the one true reality of life, the hard bedrock of everything else. But it was without comfort. It had no place for love or hope or mercy, but only raw and dreadful force, and the aching need for vengeance which it left behind.
He glanced about the apartment, taking in its usual disarray. He thought of Karen’s house, then of Angelica’s room, its immaculate walls, perfectly made bed, polished mirror. It seemed as little a part of the real world as his own, and he wondered if a balanced life did not have to be lived somewhere in between order and disarray, in a borderland of neither too many rules nor too few.
Thomas H. Cook, Sacrificial Ground [Terrain sacrificiel], Putnam, 1988


Il tira une longue bouffée de sa cigarette et tenta de déterminer ce à quoi il croyait. Seules émergèrent les idées les plus négatives. Il croyait que, lorsqu’on frappe un homme très violemment au visage, il respecte ensuite son agresseur. Tout le reste semblait mou et ridicule comparativement au caractère définitif de la violence brute.
— Si j’étais Dieu, disait Caleb, je tiendrais tout le monde par les couilles.
C’était, du point de vue de Caleb, plus ou moins une blague, mais, pour Frank, c’était la seule véritable réalité de la vie, le fondement de tout le reste. Mais ce n’était pas réconfortant. Ça ne laissait pas de place à l’amour, l’espoir ou la pitié, seulement à la force brutale et terrifiante, au désir lancinant de vengeance qu’elle traînait dans son sillage.
Il regarda l’appartement, le désordre qui y régnait. Il pensa à la maison de Karen, puis à la chambre d’Angelica : ses murs immaculés, son lit parfaitement fait, son miroir brillant. C’était un univers qui lui semblait presque aussi irréel que le sien et il se demanda si l’équilibre de l’existence ne se situait pas quelque part entre l’ordre et le désordre, à la frontière entre le trop de règles et l’insuffisance.
Thomas H. Cook, Qu'est-ce que tu t'imagines ?, [Sacrificial Ground], trad. de Daniel Lemoine, Paris, Éditions Gallimard, coll. « Série noire », 1989


Helen Humes and All Star Band - Blues Ain't Nothing but a Woman


Helen Humes (chant), Sonny Terry (Harmonica), Brownie (Kazoo) McGhee (chant & guitare), Willie Dixon (chant & contrebasse), T-Bone Walker (chant & guitare), Memphis Slim (chant & piano), Jump Jackson (batterie) - 1962
dans le cadre de l'American Folk Blues Festival fondé par le producteur et journaliste allemand Joachim-Ernst Berendt (1922-2000), un festival qui parcouru régulièrement l'Europe (Allemagne, France, Grande-Bretagne), entre 1962 et 1985.


Captain Beefheart & the Magic Band


dans les studios de l'émission Beat-Club à Brême, 12 avril 1972
titres : Steal Softly Thru Snow, Click Clack, Golden Birdies, I'm Gonna Booglarize You Baby
albums : Trout Mask Replica (1969), The Spotlight Kid, Clear Spot (1972)
Captain Beefheart / Don Van Vliet (chant, saxophone), Bill Harkleroad "Zoot Horn Rollo" (guitare), Roy Estrada (guitare) , Elliot Ingber (guitare), Mark Boston "Rockette Morton" (basse) et Art Tripp (batterie)
Captain Beefheart - wikipédia - discogs
The Magic Band - wikipédia - discogs -


Klaus Schulze


Pop 2, ORTF, 1973 - présentateur : Patrice Blanc Francard, réalisateur : Michel Pamart
Klaus Schulze - wikipédia - discogs


Bad Brains - Banned in DC


Concert live au CBGB, New York, 1982
Earl Hudson, batterie ; Gary "Dr. Know" Miller, guitare ; Darryl Jenifer, bass ; H.R. (Human Right / Paul Hudson), chant 
Bad Brains, génial groupe de punk hardcore reggae de Washington, D.C
wikipédia - Discogs



Leopold Godowsky - Sonate en mi mineur par Mûza Rubackytė


mouvements : II. Andante cantabile IV. Allegretto grazioso e dolce
album : Leopold Godowsky : Sonate pour piano en mi mineur. Karol Szymanowski (1882-1937) : 9 Préludes op. 1. Mūza Rubackyté, piano. 1 CD Ligia Digital, 2020.   
Mûza Rubackytė, pianiste lituanienne, née en 1959 - wikipédia -discogs -
Leopold Godowsky (1970-1938) - wikipédia

8 juin 2021

Le capharnaüm #86 : J’ose vous dédier le serpent tout entier

Mon cher ami, je vous envoie un petit ouvrage dont on ne pourrait pas dire, sans injustice, qu’il n’a ni queue ni tête, puisque tout, au contraire, y est à la fois tête et queue, alternativement et réciproquement. Considérez, je vous prie, quelles admirables commodités cette combinaison nous offre à tous, à vous, à moi et au lecteur. Nous pouvons couper où nous voulons, moi ma rêverie, vous le manuscrit, le lecteur sa lecture ; car je ne suspends pas la volonté rétive de celui-ci au fil interminable d’une intrigue superfine. Enlevez une vertèbre, et les deux morceaux de cette tortueuse fantaisie se rejoindront sans peine. Hachez-la en nombreux fragments, et vous verrez que chacun peut exister à part. Dans l’espérance que quelques-uns de ces tronçons seront assez vivants pour vous plaire et vous amuser, j’ose vous dédier le serpent tout entier.
Charles Baudelaire, Petits Poèmes en prose, À Arsène Houssaye


Ivica Percl

 
Artiste croate (1945-2007), chanteur-auteur-compositeur, poète, dessinateur et peintre. Chanteur contestataire, Ivica Percl avait pour idole Bob Dylan, il fut très populaire en Yougoslavie dans les années 60 et 70, et fit partie du groupe de rock de Zagreb, VIS Roboti (Les Robots) au sein duquel il jouait de la basse. Il interprétait aussi bien des chants patriotiques, des chants militaires que des chansons protestataires. En 1991, au début de la guerre civile en Yougoslavie, il se rendit sur le front des conflits et chanta pour les Forces armées de la république de Croatie. Ivica Percl fut membre de la Présidence de la Société croate des compositeurs (HDS). 
discogs - wikipedia


Đorđe Balašević - Devojka sa čardaš nogama (La fille aux jambes Csárdás)


Đorđe Balašević (1953-2021) est un chanteur-auteur-compositeur-interprète serbe, mort du coronavirus le 21 février dernier,  dans sa ville, à Novi Sad. Très populaire en Serbie, il y avait la stature d'un Brassens ou d'un Bob Dylan. Pendant les guerres de Yougoslavie, il adopte une position résolument pacifiste, dénonçant le conflit, et se montre très critique envers le régime de Slobodan Milošević. A son décès, le courrier des Balkans a titré "c'est toute la Yougoslavie qui pleure".
Libération, 1998 - RFI, 2021Wikipédia - Discogs -



Mike Mainieri - Flying Colours


Mike Mainieri, vibraphone; Billy Cobham, batterie ; Eberhard Weber, basse ; Warren Bernhardt, claviers
album "Wanderlust", 1981.
Mike Mainieri, né en 1938, est le fondateur du groupe de jazz fusion Step Ahead 
- wikipedia - discogs



Agitation Free - Laila, Part II


Rock En Stock, ORTF Studio, 1973
Groupe de rock expérimental allemand (kraut rock / space rock / prog rock) formé en 1967
Burghard Rausch (batterie), Jörg "Joshi" Schwenke (guitare), Lutz "Lüül" Ulbrich (guitare), Dietmar Burmeister (percussions), Michael "Fame" Günther (Basse), Michael "Höni" Hoenig (synthétiseurs)


Fausto Romitelli - Audiodrome - Dead City Radio - Orchestre symphonique national de la RAI


Auditorium Giovanni Agnelli, Turin, 2004
Rafael Frühbeck de Burgos, chef d'orchestre
effectif : 3 flûtes, 3 hautbois, 3 clarinettes, 3 bassons, 4 cors, 3 trompettes, 3 trombones, tuba basse, percussionniste, guitare électrique, piano, clavier électronique/MIDI/synthétiseur [sampler] , 10 violons, 10 violons II, 8 altos, 6 violoncelles, 4 contrebasses (sources Ircam BRAHMS

Compositeur : Fausto Romitelli (1963-2004) : "On lui doit une saisissante mise en contact de l'écriture spectrale (harmonies-timbres, logique de la métamorphose, développement par vagues [...]) avec l'expression hallucinée et violente du rock psychédélique. Le brio de son écriture pour guitare électrique, son instrument fétiche – écriture de connaisseur, idiomatique, sinueuse, véritablement « électrique » – est comme la signature et l'essence de son style." (wikipédia)
- discogs - 

31 mai 2021

Georges Brassens, chanté en russe, en tchèque, en arménien et en roumain (Brassens en Europe #5)

Je refuse qu'un groupe ou une secte m'embrigade, et qu'on me dise qu'on pense mieux quand mille personnes hurlent la même chose.
Georges Brassens

Chanteur anticonformiste, et gentiment anarchiste, Georges Brassens s'attira les foudres de la censure, dès le début de sa carrière en 1951, avec des chansons comme Le Gorille, La Mauvaise Réputation et Hécatombe. Ces scandales contribuèrent également à son succès, à la scène comme sur disque, auprès d'une jeunesse en soif de liberté d'expression.
Cette irrévérence envers la loi et l’ordre établi rendit Brassens également très populaire dans les milieux artistiques et intellectuels, partout en Europe, à l’Est comme de l’Ouest.
Dans cette Europe de l’après-guerre, en pleine Guerre Froide, de nombreux pays vivaient sous le joug de régimes autoritaires, dans le bloc de l’Est (Pologne, Russie, Tchécoslovaquie, Roumanie, etc.) mais aussi à l’Ouest (l’Espagne de Franco, le Portugal de Salazar, la Grèce des colonels) . 


9 mai 2021

Mai 2021 : neuf albums à découvrir


Une sélection curieuse de l'actualité musicale, pour partager quelques recommandations et aborder l'univers d'artistes d'aujourd'hui, émergents ou confirmés, en leur accordant une écoute patiente et attentive, dans l'abondance des sorties du moment. 




Monophonics

"It's Only Us" (Colemine Records, 2020)
Groupe formé en 2005 à San Francisco qui maintient allumé le flambeau de la soul des années 60-70, avec Alex Baky (saxophones, flutes), Austin Bohlman (batterie), Ian McDonald (guitares, claviers), Ryan Scott (trompette), Kelly Finnigan (chant), Max Ramey (basse)
(soul revival)


Helena Deland

"Someone New"(Luminelle Recordings, 2020)
Chanteuse, auteure-compositrice née à Vancouver et installée à Montréal, Helena Deland a partagé des tournées avec Weyes Blood et Connan Mockasin
(folk dream pop)



Badge Époque Ensemble

"Self Help"(Telephone Explosion Records, 2020)
Formation de Toronto emmenée par Max Twig Turnbull, aka Slim Twig (claviers, clarinette). Les autres membres du groupe sont Jay Anderson (batterie), Chris Bezant (guitares), Karen Ng (saxophone), Alia O’Brien (flûtes), Ed Squires (percussions), Giosuè Rosati (basse), avec la participation au chant de Meghan Remy/US Girls (l'épouse de Max Turnbull), James Baley et Jennifer Castle. BEE a sorti début janvier 2021 un 3ème album Future, Past & Present
(jazz rock funk prog)


Renée Reed 

"Renée Reed"(Keeled Scales, 2021)
Chanteuse originaire de LaFayette, Louisiane, issue d'une famille de musiciens cajuns : un grand-père accordéoniste et un grand oncle folkloriste reconnu (Revon Reed). Folk intimiste, sensible et inspirée.
(dream folk)



Lord Huron

"Vide Noir"(Republic Records, 2018)
A l'origine projet solo de Ben Schneider (chant, guitare), rejoint par Mark Barry (batterie), Brett Farkas, Tom Renaud (guitare), et Miguel Briseno (basse), le groupe Lord Huron, originaire du Michigan, est aujourd'hui installé à Los Angeles. Dans la veine de Beachwood SparksMy Morning Jacket, Bon Iver.
(folk rock)






Bernice

"Eau de Bonjourno"(Telephone Explosion Records,  2020)
Un autre groupe de Toronto, lui formé autour de Robin Dann (chant), réunissant Thom Gill (claviers), Dan Fortin (basse), Felicity Williams (chant) et Phil Melanson (batterie). Eau de Bonjourno, leur 3ème album est produit  Shahzad Ismaily, musicien et compositeur américain d'origine pakistanaise, remarqué par ses collaborations avec Laurie Anderson, Lou Reed, Elvis Costello, Iggy Pop, John Zorn, Marc Ribot
(jazz pop soul)



BENEE

"Hey U X"(Republic Records, 2020)
Qualifiée de "Billie Eilish néo-zélandaise", Stella Bennett (BENEE), née en 2000, est une chanteuse-auteure-compositrice originaire d'Auckland. Grimes, Lily Allen, Flo Milli ont participé à l'enregistrement de Hey U X.
(pop, R&B)



Tom Misch & Yussef Dayes
"What Kinda Music"(Blue Note, Beyond The Groove, 2020)
Pur produit de la rencontre entre le producteur, guitariste et multi-instrumentiste Tom Misch et du batteur Yussef Dayes, crème de la prolifique scène jazz fusion britannique, complétée notamment par la participation du bassiste Rocco Palladino (fils de son père Pino), et du rappeur américain Freddie Gibbs
(jazz fusion downtempo)




Lettuce
"Resonate"(Round Hill, 2020)
Lettuce, (à ne pas prononcer Les Tuche, mais [ledəs]), est un groupe de funk de la côte Est (Boston, Brooklyn) formé en 1992, et constitué par Erick "Jesus" Coomes (basse), Neal Evans (claviers), Ryan Zoidis (saxophone), Eric Krasno (guitares), Adam "Shmeeans" Smirnoff (guitares), Adam Deitch (batterie). Musiciens hors-pair, ayant accompagné John Scofield50 Cent, Wyclef Jean, et Britney Spears, conduits par une passion commune pour le funk et le jazz soul des grandes formations des années 70 et 80 : Earth Wind & Fire, Tower of Power, et les Headhunters d'Herbie Hancock.
(funk revival)

Frantz Fanon 1952 : chanson de la semaine #136


Jacques Coursil : "Frantz Fanon 1952"
album : Clameurs, Universal Music Jazz France, 2007
Texte de Frantz Fanon, extrait de «Peau Noire, Masques Blancs» 1952, rééd., Le Seuil, col. Points, 2001.



OUI,
L’homme est un OUI.
Mais c’est un NON aussi.
Non, au mépris,
Non, au meurtre de ce qu’il y a de plus humain dans l’humain : la liberté.

Des tonnes de chaînes,
des orages de coups,
des fleuves de crachats
ruissellent sur mes épaules.

Je sentis naître en moi des lames de couteau.
Et plus violente retentit ma clameur.
Eiah !
Je suis nègre.

Mais je n’ai pas le droit de me laisser ancrer.
Non !
Je n’ai pas le droit de venir et de crier ma haine.
– pas le droit,
de souhaiter la cristallisation
d’une culpabilité
envers le passé de
ma race –
Dois-je me confiner
à la répartition raciale de la culpabilité,
Non, je n’ai pas le droit d’être un Noir.
– je n’ai pas le droit d’être ceci ou cela…
Le Nègre n’est pas, pas plus que le Blanc.
Je demande qu’on me considère à partir de mon Désir.
Je me reconnais un seul droit :
celui d’exiger de l’autre
un comportement
humain.

Le malheur et l’inhumanité du Blanc
sont d’avoir tué l’humain
quelque part.
Le malheur du nègre
est d’avoir été esclave.
Mais je ne suis pas esclave
de l’esclavage
qui déshumanisa mes pères.

Je suis homme
et c’est tout le passé du monde
que j’ai à reprendre.
– la guerre du Péloponnèse
est aussi mienne
que la découverte de la boussole.
Je ne suis pas seulement responsable
de Saint-Domingue –
La densité de l’Histoire
ne détermine aucun de mes actes.
Je suis mon propre fondement.

Exister absolument.
Je n’ai ni le droit ni le devoir
d’exiger réparation
pour mes ancêtres domestiqués.
Pas le droit de me cantonner
dans un monde de réparations rétroactives.
Je ne suis pas prisonnier de l’Histoire
Il y a ma vie prise
au lasso de l’existence.
Il y a ma liberté.
Il n’y a pas de mission Nègre ;
Pas de fardeau Blanc
pas de monde blanc
pas d’éthique blanche,
pas d’intelligence blanche.
Il y a de part et d’autre du monde
des humains qui cherchent.

Ô mon corps,
fais de moi toujours
un homme qui interroge !



à propos de Jacques Coursil (1928-2020)
wikipédia - discogs Archives radiophoniques France Culture : Horschamps : Laure Adler reçoit Jacques Coursil

à propos de Frantz Fanon (1925-1961)
wikipédia
Archives radiophoniques France Culture : Grandes traversées : Frantz Fanon, l'indocile (5 émissions), Les chemins de la philosophie : Révolution Fanon (4 épisodes), et plus...

17 avril 2021

Le capharnaüm #85 : La maison, je l’ai dit, était vieille et irrégulière

Fritz Eichenberg,
gravure sur bois (1944)
La maison, je l’ai dit, était vieille et irrégulière. Les terrains étaient vastes, et un haut et solide mur de briques, couronné d’une couche de mortier et de verre cassé, en faisait le circuit. Ce rempart digne d’une prison formait la limite de notre domaine ; nos regards n’allaient au delà que trois fois par semaine, — une fois chaque samedi, dans l’après-midi, quand, accompagnés de deux maîtres d’étude, on nous permettait de faire de courtes promenades en commun à travers la campagne voisine, et deux fois le dimanche, quand nous allions, avec la régularité des troupes à la parade, assister aux offices du soir et du matin dans l’unique église du village. [...]

Dans un angle du mur massif rechignait une porte plus massive encore, solidement fermée, garnie de verrous et surmontée d’un buisson de ferrailles denticulées. Quels sentiments profonds de crainte elle inspirait ! Elle ne s’ouvrait jamais que pour les trois sorties et rentrées périodiques dont j’ai déjà parlé ; alors, dans chaque craquement de ses gonds puissants, nous trouvions une plénitude de mystère, — tout un monde d’observations solennelles, ou de méditations plus solennelles encore.

Le vaste enclos était d’une forme irrégulière et divisé en plusieurs parties, dont trois ou quatre des plus grandes constituaient la cour de récréation. Elle était aplanie et recouverte d’un sable menu et rude. Je me rappelle bien qu’elle ne contenait ni arbres ni bancs, ni quoi que ce soit d’analogue. Naturellement elle était située derrière la maison. Devant la façade s’étendait un petit parterre, planté de buis et d’autres arbustes ; mais nous ne traversions cette oasis sacrée que dans de bien rares occasions, telles que la première arrivée à l’école ou le départ définitif, ou peut-être quand, un ami, un parent nous ayant fait appeler, nous prenions joyeusement notre course vers le logis paternel, aux vacances de Noël ou de la Saint-Jean.

Mais la maison ! — quelle curieuse vieille bâtisse cela faisait ! — Pour moi, quel véritable palais d’enchantements ! Il n’y avait réellement pas de fin à ses détours, — à ses incompréhensibles subdivisions. Il était difficile, à n’importe quel moment donné, de dire avec certitude si l’on se trouvait au premier ou au second étage. D’une pièce à l’autre, on était toujours sûr de trouver trois ou quatre marches à monter ou à descendre. Puis les subdivisions latérales étaient innombrables, inconcevables, tournaient et retournaient si bien sur elles-mêmes, que nos idées les plus exactes relativement à l’ensemble du bâtiment n’étaient pas très différentes de celles à travers lesquelles nous envisageons l’infini. Durant les cinq ans de ma résidence, je n’ai jamais été capable de déterminer avec précision dans quelle localité lointaine était situé le petit dortoir qui m’était assigné en commun avec dix-huit ou vingt autres écoliers.
Edgar Allan Poe William Wilson, traduction par Charles Baudelaire (extrait).



Augustus Pablo - Hugh Mundell - Jah In The HillsNature provides


Hugh Mundell (1962-1983), chant - wikipédia - discogs
Augustus Pablo (1954-1999), mélodica - wikipédia - discogs
Album : Hugh Mundell - Arise - Atra Records, 1988 (enr. 1983)


Holy Shit - Written all over your face


Live Midi Festival - Hyères, 2006
Matt Fishbeck (chant, guitare), Ariel Pink (basse), Christopher Owens (claviers), Corey Lee Granet (guitare), Kate (melodica) 
Une belle bande de poseurs arty californiens selon l'expression de Magicmpc !
Holy Shit - Discogs - bandcampveryholyshit.com
album : Stranded At Two Harbors - UUAR (UUnited Acoustic Recordings), 2006


Donald Byrd - Blackbyrd


Donald Byrd : trompette et bugle, Nathan Davis : saxophone soprano, Allan Barnes : saxophone ténor et flûte, Kevin Toney : piano électrique, Barney Perry : guitare, Keith Killgo : batterie, Ray Armando : percussions, Larry Mizell : claviers, Fonce Mizell : trompette, Henry Franklin : basse
Album : Donald Byrd : Black Byrd (Blue Note 1973)
Donald Byrd - Wikipédia - Discogs -

Kady Diarra - Mignaboulé


Concert à La Source – Fontaine, 2019 
nouvel album "Burkina Hakili ", Lamastrock, 2021
Discogs - FIP -


Dmitri Chostakovitch - Concerto pour piano, trompette et orchestre à cordes n°1 en do mineur


Concert enregistré à la Salle Pleyel le 01 décembre 2013
Daniil Trifonov, piano
Timur Martynov, trompette
Orchestre du Théâtre Mariinsky
Valery Gergiev, direction
Don Kent, réalisation

3 avril 2021

Sanza Tristesse : chanson de la semaine #135




Francis Bebey - Sanza tristesse
Album : Psychedelic Sanza 1982 - 1984, Born Bad Records, 2014
wikipedia - discogs



Le soir est triste
Mon cœur est triste
Ma vie est triste
Y'a le soleil qui s'est enfui
Et mon amour qui est parti
Avec lui

Le ciel sans voile
Est plein d'étoiles
Qui me dévoilent
Qu'elle est heureuse loin de moi
Et qu'elle ne pense plus à moi, loin de moi

Pourtant je chante
Mais oui, je chante
Et quand je chante
C'est pour rappeler mon amour
En priant qu'elle revienne un jour, pour toujours

Cette musique
Mélancolique
Cette musique
Je l'envoie par le vent du soir
A celle que j'aimerais revoir, près de moi



Francis Bebey et son fils Patrick interprètent en langue Douala "Esok Am" ou "Mon secret"
Le cercle de minuit, 1996



Francis Bebey filmé au studio Real World en 1995, montrant la technique du chant pygmée avec une flûte en bambou monophonique.

23 mars 2021

Le capharnaüm #84 : cette île est des plus singulières

Il y a quelques années, je me liai intimement avec un M. William Legrand. Il était d’une ancienne famille protestante, et jadis il avait été riche ; mais une série de malheurs l’avait réduit à la misère. Pour éviter l’humiliation de ses désastres, il quitta La Nouvelle-Orléans, la ville de ses aïeux, et établit sa demeure dans l’île de Sullivan, près Charleston, dans la Caroline du Sud.

Cette île est des plus singulières. Elle n’est guère composée que de sable de mer et a environ trois milles de long. En largeur, elle n’a jamais plus d’un quart de mille. Elle est séparée du continent par une crique à peine visible, qui filtre à travers une masse de roseaux et de vase, rendez-vous habituel des poules d’eau. La végétation, comme on peut le supposer, est pauvre, ou, pour ainsi dire, naine. On n’y trouve pas d’arbres d’une certaine dimension. Vers l’extrémité occidentale, à l’endroit où s’élèvent le fort Moultrie et quelques misérables bâtisses de bois habitées pendant l’été par les gens qui fuient les poussières et les fièvres de Charleston, on rencontre, il est vrai, le palmier nain sétigère ; mais toute l’île, à l’exception de ce point occidental et d’un espace triste et blanchâtre qui borde la mer, est couverte d’épaisses broussailles de myrte odoriférant, si estimé par les horticulteurs anglais. L’arbuste y monte souvent à une hauteur de quinze ou vingt pieds ; il y forme un taillis presque impénétrable et charge l’atmosphère de ses parfums.

Au plus profond de ce taillis, non loin de l’extrémité orientale de l’île, c’est-à-dire de la plus éloignée, Legrand s’était bâti lui-même une petite hutte, qu’il occupait quand, pour la première fois et par hasard, je fis sa connaissance. 

Edgar Allan Poe, Le Scarabée d'or (The Gold-Bug), 1843 - traduction par Charles Baudelaire (1856) - (wikisource)

Rita Payés et Elisabeth Roma - Abril 74

 
Chanson de Luis Llach célébrant la « Révolution des Oeillets » qui mit fin à la dictature d'António de Oliveira Salazar le 25 avril 1974. Companys, si sabeu on dorm la lluna blanca, / digueu-li que la vull / però no puc anar a estimar-la, / que encara hi ha combat. (Camarades si vous savez où dort la lune blanche / dites-lui combien je la désire, / mais que je ne peux encore venir la rejoindre / car il faut encore livrer combat.) - paroles sur le site lluisllach.fr
Chanson jouée au Parlement de Catalogne en commémoration du 80e anniversaire de l 'exécution de Lluís Companys, qui fut président de la généralité de Catalogne de 1934 jusqu'à la guerre civile espagnole, fusillé en 1940 par le régime franquiste.
Rita Payés Roma est une chanteuse et une tromboniste de jazz catalane, elle est accompagnée par sa mère, la guitariste Elisabeth Roma - wikipédia - discogs

Plume Latraverse - La légende du petit ours gris

Plume Latraverse interprète une chanson de Félix Leclerc.
Oyé oyé grands et petits enfants / La légende du petit ours gris / Qui fut trouvé dans une lande / Bien loin bien loin d'ici / Il couche dans le lit avec les tous petits / Jamais ferme ses yeux / Parce qu'il est malheureux
Plume Latraverse - Wikipédia - Discogs


The S.O.S. Band - Take Your Time (Do It Right)

The S.O.S. Band (S.O.S. pour Sounds Of Success) est un groupe de soul - funk  disco d'Atlanta - Wikipédia - Discogs

Lluís Llach - Ítaca


Quan surts per fer el viatge cap a Itaca, / has de pregar que el camí sigui llarg, / ple d’aventures, ple de coneixences. / Has de pregar que el camí sigui llarg, / que siguin moltes les matinades / que entraràs en un port que els teus ulls ignoraven, / i vagis a ciutats per aprendre dels que saben. 
(Quand tu partiras en voyage vers Ithaque / prie pour que le chemin soit long, / plein d’aventures, plein de découvertes. / Prie pour que le chemin soit long, / et nombreux les matins où tes yeux découvriront un port ignoré, / et nombreuses les villes où tu chercheras le savoir.) paroles sur le site lluisllach.fr
Album Viatge A Itaca, 1975
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Félix Leclerc - Le tour de l'île


Pour supporter / Le difficile / Et l'inutile / Y a l'tour de l'île / Quarante-deux milles / De choses tranquilles / Pour oublier / Grande blessure / Dessous l'armure / Eté, hiver / Y a l'tour de l'île / L'Ile d'Orléans
Album : Le tour de l'île, 1975
Félix Leclerc - Wikipédia - Discogs

14 mars 2021

Le monde est virtuel : chanson de la semaine #134

une chanson de Serge Fiori, musicien, chanteur, auteur-compositeur, qui forma avec Michel Normandeau, Harmonium, le groupe de rock progressif québécois qui marqua les années 70.  
Album : Serge Fiori, GSI Musique, 2014


Quand je regarde un show dedans le Centre Bell
Je vois des gens partout triper le show sur leur cell
C'est moé qu'y'é perdu mais c'est pas naturel
Le monde est virtuel

J'ai mon profil Facebook plogué sur mon Twitter
Celui de Twitter plogué dans mon toaster
Faque là mes muffins anglais reçoivent des courriels
Le monde est irréel

Tout seul, tout le monde est tout seul
Parti, tout le monde est parti
Si loin, tout le monde est si loin
J'm'ennuie... j'm'ennuie...

Donne-moé du Viagra, donne-moé du Cialis
Donne-moé d'la haute performance, le reste on s'en câlisse
Donne-moé des films pornos dans mon lave-vaisselle
Le monde est sexuel

Oublie ça la politique, donne moé de l'informatique
Oublie ça la culture, donne-moé qu'qu'chose qui fait dur
Chacun dans ses bébelles, chacun tout seul sur son cell
Le monde est virtuel

Tout seul, tout le monde est tout seul
Parti, tout le monde est parti
Si loin, tout le monde est si loin
J'm'ennuie... j'm'ennuie...

Plus ça change, plus c'est pareil
Y'a-t-il quelqu'un dans l'appareil
Y'a-t-il quelqu'un pour me parler?
Envoyez-moi un message privé
Y'a-t-il d'la vie dans mes amis?
D'la vérité sous mon clavier?
Y'a-t-il quelqu'un derrière l'écran?
Ou c'est juste du vent, c'est juste du vent?

Oh oh Oh oh
Oh oh Oh oh
Oh oh Oh oh
Oh oh j'm'ennuie...

Le monde est virtuel
Le monde est sexuel
Le monde est virtuel

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Serge Fiori - Wikipédia - Discogs